Remonter le cours de l’Éren en admirant le paysage donne
le sentiment de feuilleter peu à peu un traité d’histoire illustré sur l’Érenlande. À mesure que les pages se tournent, le
spectateur voit défiler les âges successifs, longue tradition
de commerce, d’alliances, d’invasions, de périodes de paix
entrecoupées de conflits qui ont façonné la vallée de l’Éren
et, avec elle, toute l’Eredane.
Les métropoles sarcoséennes du sud ont été bâties sur
l’emplacement des villages des premiers migrants dorniens.
Plus au nord, les tours du pont d’Alvedara témoignent en
silence de ce que fut naguère la grandiose Érenlande. D’anciens villages au bord de l’eau désormais déserts ou
réduits en cendres, ainsi que de nombreux postes de contrôle
hobgobelins, proclament l’ampleur de la victoire des forces
de l’Ombre. Les barges gnomes que l’on croise çà et là rappellent à la fois le monde d’avant, où le commerce prospérait, et l’économie blafarde du Dernier Âge. L’Ardune privée
des navires elfes et l’Éren supérieur où abondent les avantpostes de l’Ombre évoquent l’effort de guerre constant des
légions d’Izrador contre l’Erethor et les Kaladrunes ainsi
que la longue oppression des territoires humains. Bordéren
– autrefois métropole marchande, aujourd’hui pauvre point
de ralliement des armées orques – est l’emblème lugubre de
la mort des terres du nord.
Si l’histoire de l’Érenlande est aussi longue que le fleuve
auquel la nation doit son nom, l’Éren coule toujours tandis
que le royaume semble avoir écrit et tourné sa dernière page.
La vallée de l’Éren forme un long serpent de verdure qui
sinue à travers la plaine centrale, au cœur de l’Érenlande,
s’écoulant depuis la rive sud de la mer de Pellurie jusqu’à
la mer Kasmael. Dans sa partie nord, la vallée est étroite et
très encaissée, spécialement sur la rive orientale du fleuve.
Puis elle s’élargit pour former le bassin de l’Ardune, que les
gnomes appellent le Goil (le « sang du cœur » en langue du
commerce), qui reste verdoyant même au plus fort de l’été,
alors que les plaines alentour prennent une teinte dorée.
Plus l’Éren coule vers le sud et plus il se perd en méandres,
la vallée s’aplatit et se mue bientôt en un océan de verdure.
Le fleuve, qui s’écoule depuis des temps immémoriaux, a
transformé l’Eredane centrale en vaste plaine au sol riche
et fertile. À ses débuts, il est alimenté par la mer de Pellurie
et fait à peine huit cents mètres de large. Ses eaux limpides
dévalent sur un lit rocheux formant un goulet. Arrivé dans le
bassin de l’Ardune, il est rejoint par la Felthera qui descend
de l’immense forêt d’Erethor. Les riches alluvions du sousbois troublent le flot qui prend une teinte noirâtre au sud de
l’Ardune. Désormais alourdi par les sédiments que charrie
son affluent, le fleuve peut désormais atteindre jusqu’à plusieurs kilomètres d’une rive à l’autre et paresse entre les
bancs de sable, les îlots et les profonds trous d’eau. Ses rives
sont basses, marécageuses et la plupart du temps parsemées de boqueteaux. Quand, enfin, l’Éren atteint le golfe du
Sorshef, il forme un large delta dépourvu de pistes et dont
les secrets ne sont connus que de quelques capitaines et
autres maraudeurs.
Si le fleuve rafraîchit la vallée qu’il traverse et se cache
souvent sous une brume épaisse au petit matin, il a peu d’influence sur le climat de la plaine. L’Érenlande centrale jouit
d’un climat sec et les plaines côtières du sud baignent dans
une humidité perpétuelle.