Autrefois, matière et esprit ne faisaient qu’un et les domaines du Kaos imprégnaient le royaume de Gaïa. Les lois de la réalité étaient plus fluides et, lorsque l’on jouissant d’assez de puissance spirituelle, il devenait possible de commander au temps, à l’espace, à l’énergie et à la matière rien que par la force de la volonté. Un tel remodelage n’est désormais plus concevable dans le monde matériel, mais le Kaos règne toujours en maître au sein du Flux. C’est un lieu chaotique, de changement constant et d’éventualités infinies. Malgré tout, ce royaume n’est plus que l’ombre de ce qu’il a été. Les sbires de la Tisseuse ont passé des siècles à soigneusement envelopper le Flux de leurs toiles, créant une strate diaphane de stabilité autour du formidable désordre qui y fait rage.
Les étrangers trouvent ce royaume extrêmement troublant. Il ne s’y trouve aucun point de repère fixe alors qu’il est sans cesse en mutation. De formidables villes surgissent en un clin d’oeil et disparaissent aussitôt. Des montagnes naissent et s’effondrent, des déserts se transforment en jungles, des mers s’étendent d’horizon en horizon avant de se réduire à de simples mares en l’espace de quelques heures – parfois en quelques secondes.
Les lois ordinaires de la nature ne s’appliquent pas au comportement de ces paysages, même quand ils existent encore. De temps en temps, l’eau prend feu ou les montagnes s’envolent.
Des tempêtes kaotiques rugissent dans tout le royaume, transformant tout sur leur passage. Le soleil devient bleu, rouge ou noir ; les étoiles et les constellations valsent et tourbillonnent dans les cieux ou se volatilisent en un soupir. Dans le Flux, Luna jouit d’un grand pouvoir, mais d’autres satellites se joignent parfois à elle. Ces insolites nouveaux venus n’obéissent à aucune loi astronomique.
Certains voyagent d’ouest en est, du nord au sud ou stationnent au-dessus de l’horizon. Ici, le temps n’est pas une constante. Une journée peut durer des semaines ou s’écouler en un battement d’ailes. Un voyageur peut arriver aujourd’hui et rentrer chez lui il y a une semaine.
Les habitants de ce royaume ne sont pas moins étranges. Des esprits kaotiques et des membres d’espèces disparues dans le monde matériel sont parmi les plus ordinaires. Les chimères, les dragons, les grands fauves et les autres monstres qui écument ce lieu peuvent être des adversaires imprévisibles dont les formes changent avec chaque battement de coeur, mais au moins les étrangers peuvent-ils les identifier comme des êtres ou des projections éphémères doués de vie. Pour l’explorateur lambda, les cailloux qui parlent, les nuages intelligents et les glaciers hostiles sont considérablement plus troublants.
Pour ce qui concerne les individus n’ayant rien à voir avec les change-formes, le Flux est affreusement menaçant. Les énergies kaotiques modifient l’aspect des visiteurs tout autant que celui des natifs. Bien qu’aucune métamorphose n’y soit instantanément fatale, se retrouver prisonnier dans le corps d’un cancrelat géant ou se faire transformer en flaque de vif-argent rend la survie hors du domaine quasiment impossible. Dans le meilleur des cas, cela se révélera être une expérience déterminante. Les Garous et les autres change-formes qui se rendent dans le Flux pourront peut-être se retrouver dans des corps qui ne leur appartiennent pas, mais, en tant que créatures du Kaos, ces altérations ne seront qu’une gêne passagère.