Maintes traditions de l’Érenlande centrale remontent aux premières tribus halfelines qui ont vécu dans les plaines. D’autres datent des humains qui s’y installèrent par la suite.
La voie du wogren
Beaucoup d’humains les prennent pour de gros chiens et les elfes estiment qu’il s’agit de descendants des loups sanguinaires qui quittèrent l’Erethor pour vivre dans les grandes plaines, mais les halfelins savent ce qu’il en est vraiment. Les wogrens, affiliés aux esprits, ont choisi de vivre auprès d’eux pour éponger une dette d’honneur et d’amitié.
Une légende affirme qu’il y a fort longtemps, au Temps des années, Keela, mère spirituelle des plaines, fut attaquée par un zeedrith, entité maligne plus ancienne encore que les plaines elles-mêmes, chasseuse et grande dévoreuse d’esprits.
Utham, le Chasseur des hautes herbes, se jeta d’instinct dans la mêlée lorsqu’il fut témoin de l’attaque. Son petit gabarit et sa lance en bois suffirent à détourner l’attention du monstre. Keela profita de l’aubaine et tua le démon en le mordant à la gorge.
Mortellement blessé, Utham était perdu malgré les immenses pouvoirs de guérison de la mère spirituelle. Éperdue de gratitude, Keela porta le halfelin agonisant auprès de ses parents et pleura avec eux. Ses larmes se mêlèrent au sang d’Utham. De ces petites flaques de fluides vitaux nées du chagrin et de l’honneur jaillirent sept louveteaux moitié esprits, moitié créatures de chair et de sang.
Keela annonça à la tribu d’Utham que ces louveteaux étaient des wogrens, incarnations des esprits qui veillaient sur eux depuis l’aube des temps. Elle les pria de prendre grand soin des nouveau-nés et promit qu’à condition que les halfelins se montrent loyaux et aimants, comme Utham l’avait été envers elle, les wogrens seraient leurs meilleurs amis.
Que cette légende soit avérée ou non, les wogrens font partie intégrante de la culture halfeline depuis avant même le Premier Âge. On les prend souvent pour de gros loups alors qu’il existe des distinctions notables : le wogren est plus robuste et trapu, avec de plus grandes pattes, de plus gros yeux et une queue plus longue. Il possède une mâchoire surpuissante et des crocs impressionnants, sans oublier des griffes acérées qui se rétractent comme celles d’un félin.
Les wogrens sont les amis, alliés et serviteurs des halfelins. Ils jouent avec les jeunes et tiennent compagnie aux anciens, surveillent les troupeaux, protègent les villages des prédateurs et des séides de l’Ombre. Ils font office de montures, de messagers, d’éclaireurs et de chasseurs. Ils ne demandent qu’une chose à leurs maîtres : que ceux-ci se montrent aussi loyaux et amicaux qu’eux-mêmes le sont. Les halfelins, très imprégnés de cette culture de réciprocité, sont viscéralement attachés à leurs fidèles compagnons à quatre pattes.
Les wogrens vivent si longtemps que beaucoup les croient immortels. Une femelle ne met bas que deux ou trois fois par siècle et la naissance est fêtée comme un événement majeur au sein de la communauté. Un wogren n’est pas la propriété de son ami halfelin, mais son allié indéfectible ; une sorte de lien symbiotique s’établit entre l’animal et la minuscule fée. Dans chaque village indépendant ou tribu nomade vivent en général huit à douze wogrens adultes et deux ou trois jeunes. Il est fréquent qu’un wogren tisse des liens plus solides encore avec un halfelin donné, auquel cas le tandem devient inséparable. Si les wogrens sont libres d’aller et venir à leur guise, il est rare qu’ils voyagent au loin et ils sont toujours présents en cas d’alerte sérieuse.
Sous ses faux airs d’animal quelconque, le wogren jouit d’une intelligence supérieure et de sens quasi surnaturels, ce qui accrédite l’idée d’une créature apparentée aux esprits. Pourtant aptes à aboyer et à japper, les wogrens n’émettent presque jamais le moindre son et semblent communiquer entre eux par télépathie. Les halfelins qui les côtoient savent se mettre au diapason de leur humeur. Les wogrens, pour leur part, comprennent les halfelins à demi-mot et n’ont pas leur pareil pour décrypter leurs émotions.
La population wogren a grandement souffert pendant l’invasion. Tous les villages et tribus de halfelins réduits en esclavage vivaient sous la protection d’une meute de wogrens qui ont tous combattu jusqu’à la mort. Pour chaque groupe capturé, une meute entière a disparu. Les wogrens qui restent sont encore plus rares que les petits groupes de halfelins libres auprès desquels ils vivent.
Boros de somme
Le boro fut domestiqué par les halfelins voici très longtemps, et si le boro d’élevage est beaucoup plus docile que son cousin sauvage, il a gardé la force nécessaire pour servir de bête de somme. Les fermiers halfelins utilisent ces animaux pour labourer, tirer des chariots ou moudre le grain. Les nomades, quant à eux, recourent à un harnais élaboré pour suspendre un cadre en bois tendu de cuir entre deux boros. Ce palanquin permet de transporter charges et passagers lentement mais sûrement à travers l’immensité des plaines.
Un peuple de magiciens
Comme leurs cousins elfes, les halfelins sont un peuple intrinsèquement magique. Tous ou presque jouissent de capacités limitées leur permettant d’user de quelques tours de magie qui facilitent leur vie quotidienne, et certains deviennent même de puissants magiciens ou druides. Les halfelins d’autrefois étaient connus pour leurs expérimentations constantes dans le domaine arcanique. La grande variété de sorts élémentaires connus en Eredane est d’ailleurs due à cette longue tradition. Les plus doués ont pour habitude de prendre pour apprentis les individus présentant un fort potentiel. En leur enseignant les ficelles de l’art, ils s’assurent que leur peuple ne manquera jamais de magiciens capables.
Sous le règne de l’Ombre, l’omniprésence de la magie halfeline fait figure de menace tant elle suscite l’intérêt dangereux des légats d’Izrador. Nombre des plus puissants sortilèges lancés par les halfelins le sont dans le but d’occulter la magie de moindre importance afin d’échapper au flair de ces chasseurs de sorciers. Les wogrens sont en outre très sensibles à la présence des familiers des légats, ces étranges astirax qui redoutent les compagnons canins du petit peuple-fée. De ce fait, en l’absence d’escorte de poids, les astirax se tiennent à l’écart d’une communauté protégée par des wogrens.
La magie est également commune chez les esclaves halfelins. Tant qu’ils se cantonnent à des tours de magie et à des sorts mineurs, leur art passe inaperçu et contribue grandement à apaiser leurs souffrances. Il permet d’assainir leur pitance, empêche les plaies de s’infecter et protège les plus jeunes des assauts de la chaleur et du froid. Sans cette magie mineure, la vie des halfelins réduits en esclavage serait encore beaucoup plus courte et intolérable.
Plus que des remparts
Les orcs reconnaissent à contrecœur l’importance de l’agriculture érenlandaise. De ce fait, hormis lorsqu’il s’agit de châtier un fermier qui ne livre pas les quotas exigés, ils laissent les villages et leurs habitants en paix. Beaucoup de bourgs des plaines doivent en conséquence assurer leur propre sécurité face aux bêtes sauvages, bandits, Forcenés, démons et autres ennemis en maraude.
Pour se protéger, les villages d’Érenlande entretiennent avec soin les fortifications existantes ou s’empressent d’en bâtir. Une milice veille au grain depuis les remparts, composée de tous les villageois aptes au service. Les combattants s’entraînent régulièrement au maniement de l’arsenal disponible – hache, houe, bâton ou faux, voire à mains nues. Les vétérans forment les jeunes ; certains défenseurs parmi les plus aptes acquièrent même un vernis martial à force d’escarmouches.
Si les champs et les pâturages sont extérieurs aux ouvrages défensifs, tous les villageois vivent au bourg et quand une menace est repérée, les sentinelles sonnent le cor ou le carillon afin que tout le monde se mette à l’abri. Les enfants s’efforcent de reconduire autant d’animaux que possible avant que les portes se ferment tandis que les adultes prennent les armes. Une petite troupe, au centre du village, se tient prête à venir en renfort aux points chauds tandis que les jeunes remplissent des baquets afin d’éteindre un éventuel incendie.
Soumis à de fréquents exercices et toujours sur le qui-vive, les Érenlandais forment un peuple pragmatique, ouvert d’esprit et autosuffisant. Ils ont appris voilà des siècles qu’afin de survivre quand on n’est pas le meilleur, il convient de s’adapter aux défis et à la nature du terrain. Des principes qui s’avèrent précieux maintenant que l’Ombre les recouvre.
Le rassemblement des plaines
Les tribus halfelines avaient pour tradition de se réunir deux fois l’an aux équinoxes de printemps, durant l’arc de Doshram, et d’automne, durant l’arc d’Obares. C’était l’occasion de voir la famille, d’échanger des nouvelles, de courtiser, de partager le savoir magique et de célébrer les mariages. Ce rassemblement des plaines, comme on l’appelait, durait de nombreux jours. La fête attirait aussi les halfelins sédentaires.
Sous le règne de l’Ombre, le rassemblement des plaines est devenu un rendez-vous clandestin qui s’organise à n’importe quel moment de l’année par le biais de messagers discrets. Il se tient dans quelque coin reculé et ne dure qu’une poignée de jours. Le risque est certes élevé, mais sans ce rassemblement, c’est toute la culture nomade des halfelins qui est vouée à disparaître. Les alliances y sont consolidées, on s’y regonfle le moral et l’on y puise un sang neuf. Si les légions de l’Ombre venaient à fondre sur une telle assemblée, l’attaque pourrait signifier l’arrêt de mort du peuple libre halfelin.