Les Marches du Nord consistent en une vaste étendue de
plaine herbeuse allant des steppes gelées septentrionales
au rivage battu par les vents de la mer de Pellurie, au sud, et
de l’Erethor à l’ouest aux contreforts des Kaladrunes à l’est.
Le premier abord est celui de hautes herbes qui s’étirent à
perte de vue sans le moindre signe de vie, les collines basses
n’étant que rarement festonnées de bouquets d’arbres trapus et robustes. La vérité est tout autre : la vie abonde sur
ces terres, sous des formes parfois surprenantes.
Six espèces d’herbacées composent l’essentiel de la flore.
Rigides et vivaces, ces herbes font en général près d’un mètre
de haut et alimentent les nombreux troupeaux de caribous et
de skarpins au nord, ainsi que d’élans en bordure de la mer
de Pellurie. La faune plus petite comprend lapins, grogneurs
et chukas ; les prédateurs, loups et fauves des hautes herbes
notamment, font bon usage des proies précitées.
L’herbe des orcs, culminant à trois mètres de haut, domine
la prairie dans la vallée encaissée de l’Ishensa et sur ses
flancs. Les animaux s’y fraient des sortes de tunnels qui s’entrecroisent et les routes où, naguère, circulaient de pesantes
caravanes ont depuis longtemps disparu sous l’épais couvert
végétal. La région est un océan de verdure où il est aussi
facile de s’égarer que dans une forêt elfique.
L’Ishensa se jette dans la mer de Pellurie, vaste étendue
d’eau douce qu’alimentent également le Torbrun à l’est et
le Gamaril à l’ouest. Cœur liquide de l’Érenlande, cette
mer forme la limite méridionale des Marches du Nord. Elle
influe fortement sur le climat et la flore d’Eredane. La mer
de Pellurie a ses humeurs, à l’image des grands océans ; au
creux de l’hiver, les tempêtes qui s’y forment sont parfois
dévastatrices. Sur sa côte nord se dressent de hautes falaises
calcaires ponctuées çà et là de petites baies et d’estuaires.
Enfin, par-delà la frontière nord, l’herbe haute cède la
place à une toundra gelée, puis ce sont les montagnes qui
bordent le domaine de l’Ombre du Nord et de ses légions
orques. Nul elfe, nain ou humain n’est jamais revenu de ces
terres inexplorées.
La fonte des neiges creuse au printemps des ravines dans
le calcaire crayeux, formant des cascades et autres défilés.
Les inondations subites sont dangereuses, arrachent la
végétation des lits asséchés et enrichissent les sols en aval.
S’ensuit un été bref, durant lequel l’herbe se pare d’une floraison multicolore, puis vient la mauvaise saison dont il se
dit qu’elle est plus longue à mesure que l’Ombre affermit
son emprise. Sur le rivage de la mer de Pellurie, la neige
est molle et lourde et les pluies hivernales ont tôt fait de
la dissoudre. Plus au nord, le long de la frontière, la neige
s’amoncelle et tient longtemps. L’hiver, aussi glacial qu’interminable, fige le décor pendant de longs mois.
Érenlande du Nord
Histoire
La paix enfin restaurée entre humains et jeunes fées, les envahisseurs dorns s’établirent sur le pourtour de la mer de Pellurie et dans les plaines plus au nord. La terre y était cultivable pour peu que l’on supporte le froid, pinèdes et chênaies fournissaient le bois d’œuvre et de chauffe, veines de cuivre et d’étain permettaient aux Dorns d’exercer leurs talents rudimentaires en matière de métallurgie. L’espèce humaine, vouée à un trépas rapide, se répandit dans la plaine aussi vite que des lapins de garenne.
La première guerre contre Izrador fut un point de bascule dans l’histoire dornienne. La bataille des Trois royaumes eut lieu sur leurs terres, et nombre de villes parmi les plus septentrionales furent rasées. Les Dorns, devenus des alliés indéfectibles des fées, avaient appris à traquer efficacement les serviteurs de l’Ombre. Avides de gloire et de fortune, les vaillants Dorns quittèrent la côte paisible de la mer de Pellurie afin de se faire un nom en combattant les séides du dieu impie. Ils applaudirent la construction du Long rempart sur leurs terres et furent honorés de défendre les forteresses qui le jalonnaient ; un siècle seulement après le début du Deuxième Âge, les terres du nord étaient devenues le foyer du peuple dornien.
Quand les Sarcoséens débarquèrent, plutôt que d’écraser les Dorns, ils jugèrent plus sage de se faire des alliés de leurs monarques. Les plaines septentrionales et le pourtour de la mer de Pellurie, trop difficiles à envahir et bien loin des têtes de pont sarcoséennes du sud, demeurèrent aux mains des Dorns. Ces mêmes Dorns, leur fierté préservée, n’hésitèrent pas à joindre leurs forces à celles des Sarcoséens face aux armées du Vieil empire que ces derniers avaient fui. Le nord cessa alors d’être une colonie appartenant à un empire lointain : le royaume d’Érenlande était né.
Mais tandis que la menace venue d’au-delà des mers était contenue, l’Ombre du Nord en profita pour rassembler ses forces. Les peuples libres d’Eredane sortirent certes victorieux de la deuxième guerre contre les troupes du dieu déchu… mais à un prix bien trop lourd pour les Dorns. Le coût terrible, tant en vies humaines qu’en ressources, fit sombrer l’Érenlande du Nord dans un millénaire de barbarie et de guerres civiles incessantes. Quand le nord fut de nouveau menacé par les armées de l’Ombre, il ne restait plus assez de la fierté d’antan des chevaliers dorniens pour résister aux hordes d’Izrador.
En ce Dernier Âge, les Marches du Nord ne sont plus qu’une contrée brisée habitée par des Dorns brisés. Leurs puissantes cités sont en ruines ; n’y vivent plus que des paysans craintifs et affamés. Les légions orques ont pris possession des plaines, des villes et des maisons nobles des Dorns. De leur flotte de navires marchands, si resplendissants autrefois, il ne demeure que des épaves ou des vaisseaux reconvertis en bâtiments de guerre par les armées de l’Ombre. Les quelques territoires restés aux mains des humains sont dirigés par des princes félons, seigneurs dorniens si rapaces ou terrorisés qu’ils ont prêté allégeance à Izrador et gouvernent sous la férule des Noctarques. Chaque année voit davantage de Dorns se soumettre à l’Ombre et grossir les rangs de sa terrible armée, certains ployant le genou par goût du pouvoir, d’autres simplement mus par le besoin de nourrir leurs proches.
Les rares Dorns nobles renégats doivent leur survie au fait d’errer sur les plaines ou en mer de Pellurie, tels les hors-laloi qu’ils sont devenus. Depuis leurs havres, ils attaquent les bivouacs des armées de l’Ombre, pillent les villages passés à l’ennemi et coulent les navires de transport à la première occasion. Ils n’attendent plus de l’existence que l’occasion de tuer quelques âmes damnées d’Izrador afin de laver un honneur bafoué par la défaite
Population
La plupart de ceux qui vivent à ce jour sur les terres du nord
sont des Dorns : un peuple fier et robuste, cheveux fous au
vent, œil vif, prompt à rire et plus encore à s’emporter. Tout
Dorn des Marches du Nord se sait affilié à l’une des maisons nobles de son peuple, lesquelles étaient autrefois vassales de monarques dorniens. Cet héritage s’est perdu, les
maisons qui ont résisté à l’Ombre ont été anéanties, leurs
chefs tués ou mis en déroute. Il ne reste des familles royales
que des pions à la solde d’Izrador, qui règnent sans honneur
sur un peuple privé d’espoir
Sur la côte nord de la mer de Pellurie, il est plus fréquent
d’avoir des ancêtres dorniens et sarcoséens. Moins fidèles
aux maisons nobles des Dorns, ces humains se considèrent
davantage comme les véritables Érenlandais, pour ce que
cela vaut en ces jours sombres : les héritiers d’un vaste
royaume qui mêlait harmonieusement les deux cultures. Ces
survivants de lignée moins ancienne que celle des Dorns du
nord ont un amour-propre tout aussi sensible. Ils regrettent
moins ce qui fut que ce qui aurait pu – et dû – être.
Les fées se font rares sur les Marches du Nord. Négociants
elfes et artisans nains, autrefois nombreux, ont été massacrés par les légats de l’Ordre de l’Ombre ou ont trouvé
refuge sur leurs terres. S’il a toujours été très rare de croiser des halfelins autant au nord, il y demeure des gnomes
qui jouissent du statut peu enviable de serviteurs conquis
par l’Ombre.
Il reste peut-être 600000 Dorns entre le Long rempart
et la mer de Pellurie, la plupart vivant dans des hameaux
isolés. Un tiers a trouvé abri dans les cités en ruines comme
celle de Hautemuraille ou réside dans les villes occupées
des princes félons dorniens. Quelque 50000 sujets d’origine
mixte, dornienne et sarcoséenne, habitent sur la côte nord
de la mer de Pellurie. Ils sont beaucoup plus nombreux sur
la rive sud. Plusieurs milliers de Sarcoséens vivent toujours
sur ces terres glaciales et désolées, pour certains descendants d’émissaires diplomatiques, de mariages politiques
et d’espions. Environ 10000 gnomes, enfin, bravent les flots
tumultueux de la mer intérieure sur des villages flottants qui
font commerce entre les ports du sud et du nord.
Tout au long de la frontière nord, les orcs ont fondé des
villages toujours plus nombreux à mesure que les noncombattants migraient du nord gelé vers des contrées plus
hospitalières. Si certains baraquements pour légionnaires
sont de leur fabrication, pour l’essentiel, ils ont chassé les survivants humains et ont pris racine dans leurs villes. Environ
350000 orcs non-combattants vivent sur les terres du nord.
Implantations
Le calcaire dense qui forme le socle des plaines septentrionales s’extrait aisément et constitue un excellent matériau
de construction. Le plus modeste bâtiment dornien est fait
de cette pierre blanche qui, naguère, résistait à merveille à
la morsure de l’hiver comme aux assauts ennemis.
Au temps jadis, le village dornien typique était un ensemble
de maisons basses avec quelques annexes et, tout autour,
champs et pâturages. Les murs étaient érigés à partir de la
pierre extraite des cours d’eau et la toiture était en chaume.
Les maisons et échoppes des villes étaient construites autour
d’un petit château, et tous étaient bâtis avec la pierre extraite
lors du creusement des douves ; un mur bas se dressait le
plus souvent en bordure intérieure du fossé. Nombre de villes
furent construites autour d’une rivière en eau toute l’année,
qui servait à la fois à remplir les douves, à l’approvisionnement de la population et à l’évacuation des déchets.
Les localités bâties autour des châteaux des premiers
nobles Dorns devinrent à terme les principales villes des
Marches du Nord. Beaucoup avaient été construites sur la
côte nord de la mer de Pellurie, au sommet d’une falaise
et à l’aplomb d’un port bien abrité. Ces cités connurent
leur apogée alors que l’Ombre menaçait déjà et, de ce fait,
étaient très bien défendues : hautes tours, murailles solides,
douves profondes, pont-levis, porte massive et autres
fortifications imprenables.
Nombre de villes dorniennes, grandes et petites, ne sont
plus que ruine. Les armées de l’Ombre ont dévasté ces terres
un siècle plus tôt, rasant des places fortes qui leur avaient
tenu tête pendant près de quatre mille ans. Mues par la soif
de sang, les hordes d’Izrador ont tout anéanti. La magie des
légats a mis à bas les murailles… quand la fourberie ourdie
par les Noctarques n’avait pas laissé une ville ouverte à la
merci des légions. Par simple goût du meurtre, les armées
de l’Ombre ont brûlé et tué tout ce qui prenait feu et respirait.
Des villes détruites, il ne reste que des moellons noircis et
des squelettes de bâtiments. Les humains aux abois qui s’y
terrent vivent dans de pauvres cabanes construites avec les
décombres, blottis les uns contre les autres pour se protéger
du froid et des monstres en maraude. Ils récupèrent ce qu’ils
peuvent dans les ruines, se nourrissent de maigres récoltes
et s’efforcent d’échapper aux séides d’Izrador.
Les cités encore debout sont celles dirigées par les princes
à la solde d’Izrador. Beaucoup sont aux mains de tyrans
autoproclamés, sans réelle légitimité, qui ont trahi les leurs
contre la promesse du pouvoir. Les villes de Chandering,
Bastion et Port-Esben ont été épargnées, mais subissent un
sort peut-être pire que l’anéantissement. Leurs potentats
sont des pions d’Izrador ; la vie y est placée sous le signe
de l’effroi. Tout y fait défaut : nourriture, combustible, soins
médicaux. La seule loi qui y règne est celle du plus fort.
Les séides de l’Ombre, qui sont censés maintenir l’ordre,
molestent, tuent et volent quand bon leur semble.
Il reste néanmoins nombre de bourgs et villages intacts
dans le nord, trop modestes ou isolés pour avoir éveillé l’ire
des envahisseurs. Leurs habitants comptent sur les murs de
pierre pour tenir en respect les monstres de la nuit qui ont
accompagné l’Ombre sur les terres du nord, et ils redoutent
chaque soir que le lendemain voie fondre sur eux les légions
qui signeront leur perte.
Gouvernement
Avant l’invasion sarcoséenne et la fondation de l’Érenlande,
les Dorns étaient gouvernés par les maisons nobles, incarnation des lignées royales héritées des chefs barbares qui
régnaient sur ce peuple bien avant son arrivée en Eredane.
Chaque maison se targuait d’une longue et glorieuse tradition transmise dans des chants et des récits que tous
ses membres, jusqu’aux plus humbles, apprenaient dès
l’enfance.
Tous les Dorns appartenaient à l’une ou l’autre maison
noble, motif de fierté et de loyauté envers leur clan. Les chefs
de maison régnaient sur une portion des Marches du Nord
sur le mode féodal, avec des seigneurs et chevaliers comme
vassaux. L’alliance entre monarques dorniens reposait sur
un maillage complexe de serments et de mariages princiers.
Cette union n’était pas sans querelles sporadiques, donnant
parfois lieu à de courtes guerres intestines, mais au premier signe de menace extérieure, elle primait aussitôt sur
les différends.
Quand les Sarcoséens conquirent les Dorns pour finir
par fonder le royaume d’Érenlande, les maisons royales dorniennes se rendirent compte qu’il était moins douloureux
qu’escompté de prêter allégeance au jeune khalife Kari.
La culture sarcoséenne accordait autant d’importance à la
parole donnée que la tradition dornienne tout en préférant
le dialogue et les concessions mutuelles à l’épée tirée et au
sang versé. Dos au mur, les Dorns ployèrent le genou devant
ceux du sud. Bien leur en prit : les conquérants les laissèrent
libres de perpétuer leurs traditions et de régner sur le nord
en tant que loyaux vassaux de l’Érenlande.
La deuxième guerre contre Izrador sonna hélas le glas
des alliances entre maisons nobles et des serments anciens.
Le prix de la guerre fut tout simplement trop lourd pour
le peuple du septentrion. Au fil du Troisième Âge, l’adversité devint souffrance, la souffrance colère et la colère état
de guerre. Maints descendants des monarques dorniens
d’antan, attisés par les récits de gloire de leurs aînés, firent
sécession de la couronne d’Érenlande. Les Sarcoséens, que
les Dorns considéraient autrefois comme des alliés respectables, firent des boucs émissaires tout trouvés qu’on accusa
de tous les maux : manipulateurs, traîtres, corrompus. Le
système sarcoséen, en toute équité, avait depuis toujours
reposé en parts égales sur l’honneur et l’intrigue ; le fort
comme le rusé pouvaient de ce fait accéder au pouvoir
suprême, mais ce fut en toute mauvaise foi que les Dorns
noircirent le trait de l’envahisseur d’antan.
Plutôt que de s’unir face aux conquérants du sud, cependant, les jeunes monarques dorniens furent victimes de leur
propre orgueil. Sitôt une alliance conclue, les querelles et
luttes fratricides débutaient, tournant bientôt aux conflits
sanglants alors que les terres du nord sombraient dans la
guerre civile généralisée. Des siècles durant, les maisons
nobles se livrèrent bataille. Celles qui étaient restées loyales
à la couronne d’Érenlande et au khalife étaient à couteaux
tirés avec les maisons sécessionnistes. Des alliances étaient
conclues pour être aussitôt brisées. Assassinats et duels
firent tomber maintes têtes couronnées. Les guerres incessantes vidèrent les caisses et se soldèrent par des coupes
claires dans les rangs des armées ; les royaumes indépendants, ruinés, firent le désespoir du petit peuple. L’époque
tourmentée fut propice aux sombres manigances des serviteurs de l’Ombre. Pendant ces années de guerre civile,
de haine et de méfiance, le dieu déchu sema les germes de
la trahison, œuvrant à des alliances qui visaient à isoler et
affaiblir les clans Dorns. Les terres du nord ne furent bientôt
qu’un fruit mûr pour les légions d’Izrador.
Des fières maisons nobles d’antan, il ne subsiste plus que
de pâles vestiges. Maintes lignées royales ont été anéanties,
que ce soit par la main des Noctarques ou par celle de frères
ennemis au nom d’une vieille rancune. Certains héritiers ont
été contraints à l’exil ou à une vie de hors-la-loi, livrant une
futile guerre d’usure contre les armées de l’Ombre.
Religion
Les Dorns vénéraient leurs ancêtres bien avant d’arriver en
Eredane et leurs descendants ont perpétué cette tradition.
Ils possèdent une ébauche de mythologie où figure une
fratrie de dieux régnant sur divers domaines ésotériques,
bien loin du monde des simples mortels, mais à leurs yeux,
ce sont leurs propres défunts qui influent sur les affaires
des vivants. De là vient leur sens aigu de l’honneur ; agir
de façon déshonorante, c’est courir le risque de s’attirer le
courroux des ancêtres qui, non contents de provoquer la
poisse, peuvent voter la disgrâce éternelle du fautif.
Comme tous les peuples d’Eredane, les Dorns ont dû
tenir compte des Forcenés. Les cérémonies funéraires sont
néanmoins restées solennelles et ancrées dans la tradition.
Avant l’avènement des morts-vivants, les Dorns érigeaient
des cercles de pierre non loin du village, au centre desquels
trônait une grande dalle. Le trépassé y était brûlé, puis sa
famille dispersait les cendres et revenait de temps à autre
au cercle de pierre pour y déposer une offrande, chercher
conseil auprès d’un ancêtre, etc. Si fort peu de Dorns voyaient
eux-mêmes une ombre, tous connaissaient une histoire où
il était question d’une bénédiction accordée par un défunt.
Désormais, Forcenés obligent, le cercle des ancêtres est
bâti à plusieurs kilomètres des villes et villages, et bien que
les crémations soient accomplies assez vite pour qu’aucun
mort ne se relève, ces cercles sont devenus des lieux hantés par les âmes en peine des Égarés. Les Dorns évitent
de s’en approcher de nuit, même s’il arrive qu’un individu
particulièrement hardi ou désespéré s’y rende dans l’espoir
d’échanger avec l’esprit d’un parent disparu. Le plus souvent,
ces pauvres hères en sont quittes pour une nuit de sommeil
perdue, bien que parfois une présence étrange les mette sur
la voie de ce qu’ils étaient venus chercher. En de très rares
occasions, cependant, les esprits du cercle, corrompus par
l’Ombre, se retournent contre le visiteur et attentent à sa vie
Les âmes persistantes des Égarés sont devenues un tel
problème que le cercle des ancêtres, dans beaucoup de villes,
est reconstruit à intervalles réguliers afin de prévenir une
accumulation dangereuse de morts-vivants. Il est de ce fait
conseillé aux voyageurs passant à proximité d’un cercle de
pierre à l’abandon au centre duquel trône un autel noirci de
ne pas y bivouaquer, sauf à souhaiter faire une rencontre
spectrale et périlleuse.
Langues
Les Dorns parlent le nordien, un dialecte issu de
celui en usage chez les envahisseurs dorniens
venus de par- delà les mers. Une langue âpre et delà les mers. Une langue âpre et
sonore, qui se prête davantage aux ordres de
bataille et aux vantardises qu’aux berceuses et
aux mots doux. Les habitants de la côte nord de
la mer de Pellurie parlent souvent l’érenlandais, la
langue du commerce et parfois un peu le colonial.
Beaucoup possèdent en outre des bribes de langue
orque, ce qui est en certains cas un gage de survie. Enfin, de nombreux résistants Dorns parlent
le haut- elfe qu’ils ont appris auprès des elfes de la
Veradeen où ils vont souvent trouver refuge, s’armer et s’approvisionner
Commerces et artisanat
Les Dorns étaient autrefois célèbres pour leurs flottes marchandes en mer de Pellurie et pour leur production de blé
qui nourrissait les populations des deux côtes. S’ils n’égalaient pas les cavaliers sarcoséens, ils élevaient des chevaux grands et puissants, très prisés plus au sud, et leurs
outils et armes en acier étaient simples mais robustes.
L’économie des terres du nord n’est plus qu’un champ de
ruines. Les flottes marchandes gisent par le fond ou ont été
réquisitionnées par les légions, qui en ont fait des navires
de guerre ou des transports de troupes. Le commerce entre
maisons nobles est soit interdit, soit si lourdement taxé qu’il
a perdu tout intérêt. Quant aux artisans, certains ont fui et
tous les autres sont devenus esclaves de l’Ombre au service de l’effort de guerre. Dans certaines régions, les Dorns
asservis travaillent la terre dans de vastes exploitations afin
de nourrir l’armée d’occupation. Là où les Dorns ne sont pas
encore soumis, les orcs de l’Ombre opèrent des raids fréquents, volant ce qui les intéresse et tuant quiconque résiste.
Les artisans qualifiés étant tous morts, en fuite ou
esclaves, plus personne n’apprend leurs métiers, sans parler de l’outillage requis qui fait lui aussi défaut. Les Dorns
sont de ce fait vêtus de haillons rapiécés et marchent pieds
nus. Le verre et le cuir sont devenus peu communs. Quant
aux outils en métal, ils sont hors de prix. Sel et remèdes sont
introuvables, et le travail du bois se raréfie en l’absence de
charpentiers comme de matière première, le peu de bois
disponible servant de combustible pour lutter contre le froid.
Us et coutumes
Dans la culture dornienne, les maisons nobles qui régnaient sur le peuple revêtaient la plus grande importance.
Maison Davin
La Maison Davin régnait sur la ville de Val-Davin, près de l’embouchure de l’Ishensa. Elle tirait sa puissance économique de la culture du blé et du maïs à grande échelle. Cette maison noble était en outre réputée pour la part importante qu’elle prenait dans l’approvisionnement en troupes des forteresses les plus à l’est du Long rempart.
La Maison Davin était l’ennemi juré de Gregor le dépravé, prince de la Maison Chander. Quand ce dernier toucha sa sombre récompense pour avoir trahi les Dorns au profit des Noctarques, sa première décision fut d’envoyer une horde démoniaque raser la forteresse Davin et massacrer tous ses occupants. Selon toute vraisemblance, la famille royale Davin est désormais éteinte.
Maison Dale
Fière et loyale aux traditions dorniennes, restée fidèle à la couronne d’Érenlande, la Maison Dale résista à l’Ombre jusqu’à la fin. Affirmer qu’elle aurait encore des héritiers vivants s’apparente à de l’optimisme forcené.
Maison Sedrig
Au plan économique, cette maison noble était l’une des plus diversifiées de la mer de Pellurie. Elle possédait une flotte marchande importante, des terres fertiles, tout un réseau de caravanes et jouissait d’un quasi-monopole sur le commerce avec Hautemuraille, la cité des érudits. Si le siège officiel de son pouvoir se trouvait à Blanchefalaise, l’essentiel des affaires était géré depuis Hautemuraille.
Nul ne sait ce qu’il advint de la famille royale Sedrig, même s’il fait peu de doute qu’elle fut passée au fil de l’épée quand Hautemuraille tomba. Beaucoup pleurent cette lignée, parmi les plus nobles des clans dorniens.
Maison Norfall
La capitaine Jaden Norfall, héritière de la couronne, a pris la tête de ceux que l’on appelle les Princes pirates. Voguant sans cesse, les derniers Dorns de la Maison Norfall vivent d’actes de piraterie perpétrés sur les navires de l’Ombre et ne mettent pied à terre que pour piller les villes occupées. Le clan possède plusieurs ports d’attache secrets dans les îles Corbron ; il se murmure que la flotte pirate grossit d’une année sur l’autre, marins dorns et gnomes se ralliant en nombre à la bannière de la Maison Norfall.
Maison Redgard
Ultime rescapé de sa lignée, Roland Redgard a pris la tête d’une bande de cavaliers nomades qui survivent en pillant ce qui leur tombe sous la main et se réjouissent chaque fois qu’ils tuent un ennemi. Cette armée rebelle est une bénédiction pour ce qu’il reste de villages libres dans le nord et un caillou dans la botte des princes félons au service des Noctarques. Les insurgés ont conclu une alliance de poids avec les elfes de la Veradeen auxquels ils fournissent informations, chevaux et attaques de diversion en échange de flèches, d’élixirs de soins, de pierres d’âtre et d’abris temporaires en forêt.
Maison Chander
Quand les émissaires de l’Ombre proposèrent au prince Gregor Chander un aval sur les maisons rivales, la tentation fut trop grande. Poussé par la convoitise, il conclut un pacte avec Izrador auquel il prêta allégeance en échange de pouvoirs démoniaques et de la promesse d’une longévité contre nature. Son premier acte de trahison fut l’assassinat de toute la lignée Davin en l’an 895 du Troisième Âge. Puis il dirigea l’assaut contre Cale, la cité des Redgard, et envoya ses troupes combattre aux côtés des légions orques à Hautemuraille, Bas-Roc et Port-Fall. La puissance de Gregor, désormais fidèle serviteur de l’Ombre, va grandissant, et n’a d’égal que la colère qu’il nourrit contre ses cousins qui osent tenir tête à l’envahisseur. Il s’est juré d’occire lui-même tous les princes hors-la-loi et d’offrir leur cœur encore chaud en sacrifice à son ignoble maître.
Maison Falon
Maison Pendor
Au cours des dernières années du Troisième Âge, alors que les agents de l’Ombre tissaient leur toile de traîtrise et de fausses promesses dans le nord, la crainte de voir son peuple souffrir mille morts s’il résistait à l’Ombre submergeait Pendor. Au désespoir, le prince finit par se convaincre que l’alliance avec Izrador était le meilleur moyen de protéger ses sujets. Quand son pacte avec l’Ombre fut rendu public, cette trahison manifeste poussa le peuple indigné à prendre les armes pour résister aux légions qui venaient s’emparer de Bastion. La bataille fut brève, la résistance écrasée ; les victimes se comptèrent par milliers. Ses efforts réduits à néant, Tabel Pendor préféra le suicide à la honte.
La Maison Pendor est désormais aux mains d’un prince sarcoséen corrompu, Sameal. Ses sujets le détestent mais craignent sa troupe. Sous sa férule, les pauvres hères triment sans relâche sur les terres immenses, récoltant, élevant du bétail pour nourrir les armées d’Izrador qui ne leur laissent que peu de vivres, et moins encore de libertés. Ne vouant que mépris à leur dernier prince légitime, les anciens sujets de Tabel ont tourné le dos à la Maison Pendor.
Maison Esben
En l’an 886 du Troisième Âge, Vildar Esben accéda au trône : un homme capricieux, désagréable et paranoïaque, qui traitait ses sujets avec cruauté. Il était cependant assez madré pour réserver toute sa considération aux officiers de son armée qui, en retour, lui étaient d’un soutien indéfectible. Son couronnement eut hélas pour effet d’accentuer sa méfiance et ses obsessions. Son jugement amoindri, voyant des complots partout, il procéda à des purges sanglantes au sein de sa cour. Quand se présentèrent les agents d’Izrador, ils n’eurent même pas à forcer sur les promesses mensongères tant l’homme était mûr pour devenir un sujet de l’Ombre. En échange de la magie noire qui le maintient toujours en vie, Vildar est un devenu un adorateur enthousiaste du dieu déchu. Sa cruauté a déjà coûté la vie à des milliers de Dorns ; ses sujets qui n’ont pas fui sur une terre plus clémente vivent dans une peur abjecte et permanente.
Les Maisons du sud
Certaines maisons nobles ont prospéré sur la côte sud de la mer de Pellurie. Fidèles à la culture des Dorns, ces maisons-là ont aussi subi une plus forte influence sarcoséenne que leurs cousins du nord. C’est parmi elles que naquit la culture érenlandaise, à mi-chemin des traditions dornienne et sarcoséenne.
Clans
Si chaque Dorn est affilié à l’une ou l’autre maison noble, chacun est aussi membre d’un clan plus modeste au sein de ladite maison. C’est à cette famille étendue que va la loyauté d’un Dorn, au quotidien. La plupart de ces petits clans ont conservé leur loyauté envers leur maison noble, certains furent néfastes, et d’autres se sont distingués par leurs exploits. Les Mahald de la Maison Davin et les Calder de la Maison Pendor, par exemple, sont célèbres pour les services rendus au champ d’honneur. Du clan Alard affilié à la Maison Sedrig, on prétend depuis toujours qu’il serait le plus riche de la mer de Pellurie, et chaque fois que circule une histoire d’exploits audacieux, de romance ou de machination abjecte, les protagonistes semblent toujours issus du clan Doval (Maison Baden) ou Podrick (Maison Chander).
Si l’allégeance à sa maison noble était autrefois la pierre angulaire de l’honneur chez les Dorns, les heures sombres et les trahisons en cascade du Dernier Âge ont sapé cette obligation morale. Pour maints Dorns, la loyauté envers le clan familial a pris le pas sur l’affiliation historique et leurs actes sont le plus souvent motivés par les ambitions et la survie de leur clan.
Duels
Les Dorns s’enorgueillissent d’une longue tradition de duels pour l’honneur entre champions. Aux premiers temps de leur histoire, les combattants les plus féroces étaient ainsi assurés de prendre la tête des clans. Puis, pendant l’âge d’or des maisons nobles d’Eredane, ce système permit de régler de nombreux litiges sans que les familles entrent en guerre. Si le duel avait depuis longtemps perdu sa fonction d’arbitrage politique et judiciaire, il demeurait le moyen le plus courant de laver les affaires d’honneur personnel, voire d’étouffer un conflit avant que la situation ne dégénère en bataille rangée coûteuse en vies humaines. Aux heures sombres qui précédèrent la chute des terres du nord, le duel devint un expédient pour ternir la réputation d’un rival, quand ce n’était pas pour maquiller un assassinat pur et simple.
Lors d’un duel pour l’honneur, la coutume voulait que l’offensé provoque son adversaire en lui faisant parvenir une dague brisée par son porte-parole. Ce dernier énonçait la nature de l’affront et attendait que l’adversaire désigné accepte en remplaçant l’arme brisée par une lame intacte. Rejeter un tel défi revenait à se couvrir d’opprobre. Une fois le défi relevé, les deux duellistes et leurs porte-parole convenaient des détails et, sitôt ceux-ci réglés, le duel pouvait avoir lieu, le plus souvent à l’épée émoussée ; les combats à mort ne se tenaient qu’en cas d’offense particulièrement grave. Dans la plupart des cas, l’issue était un bras cassé et un honneur froissé.
Lors des années de conflit qui conduisirent à la chute de l’Érenlande, il devint chose commune de provoquer en duel avec, en sous-main, des visées politiques contre tel ou tel ennemi. Les meilleurs guerriers affrontaient et tuaient les moins habiles, sauf quand ceux-ci se faisaient représenter par un champion plus apte. Ces duels firent couler le sang de la fine fleur des chevaliers dorniens. Les gens du nord, avec le recul, voient dans cette boucherie la main d’Izrador. Il reste aujourd’hui fort peu de Dorns ayant la trempe requise pour ces duels, et même alors, beaucoup rechignent à perpétrer cette tradition qui ne conduirait qu’à affaiblir un peu plus les maisons nobles.