Les gnomes furent les premiers explorateurs de la mer de
Pellurie qui, à l’époque, était dénommée mer d’Ébène par
les jeunes fées. Installés sur la côte, ils commencèrent
comme pêcheurs pour bientôt devenir commerçants,
d’abord par voie fluviale puis par la haute mer, convoyant les
marchandises d’un bout à l’autre de l’Eredane, et finir par
ne plus vivre que sur l’eau. Quand les Dorns envahirent les
terres du nord, les gnomes, rusés et pacifiques de nature,
abandonnèrent la haute mer aux humains au profit du commerce fluvial et du cabotage, plus simples.
Les Dorns rebaptisèrent cette mer intérieure mer
de Pellurie en hommage au continent qu’ils avaient été
contraints de quitter ; leurs maisons nobles s’établirent sur
les côtes. Bons marins, les humains apprirent bien vite à
maîtriser ces flots difficiles. Leurs villes prospérèrent au
gré d’une navigation hauturière qui permit d’ouvrir des
voies commerciales. Chaque maison noble possédait sa flotte
marchande ainsi qu’une petite escadre de protection. Même
après la conquête sarcoséenne et la fondation de l’Érenlande,
la mer de Pellurie demeura le trait d’union entre les princes
dorniens… jusqu’à ce que les émissaires d’Izrador s’attachent
à les dresser les uns contre les autres à grand renfort de
magie noire et de trahisons. La mer de Pellurie est devenue un champ de bataille permanent ; ses flots brassent les
épaves noircies, le sang et les larmes du peuple dornien.
Par bien des aspects, la topographie de la mer de Pellurie
fut une bénédiction pour le sud de l’Eredane. Les orcs à la
solde d’Izrador sont de piètres marins, tout au plus prennentils la mer pour transporter des troupes. Ils sont très loin
de tirer le plein parti des flots, que ce soit en haute mer ou
sur les fleuves. Au sud, les légions d’Izrador, peu mobiles,
sont mal équipées et ne reçoivent pas les renforts qu’elles
attendent. L’invasion s’en trouve retardée. Cependant, au
nord, les orcs s’entassent, avides de pillage et de meurtre, faisant craindre le pire pour ce qui reste de culture dornienne.
Mais avec la montée en puissance des légions humaines à
la solde du dieu déchu, la mer de Pellurie ne constituera pas
éternellement une barrière infranchissable.
La mer de Pellurie est aussi diverse que les gens qui logent
sur ses rives et vivent du produit de ses eaux. Tempétueuse
et glaciale en hiver, elle est venteuse et fraîche à la belle
saison. Au nord, la mer est profonde, gris ardoise et imprévisible. Les tempêtes y sont monnaie courante. Au plus
fort des bourrasques, les flots prennent une teinte noire.
Sur la côte sud, en revanche, la mer est plus calme et peu
profonde. Le vent y souffle du sud-ouest toute l’année, produisant des étés chauds et des hivers cléments. La mer y
est plus prévisible et les eaux d’un bleu profond. La côte
occidentale est bordée par l’Erethor qui déverse une partie de ses marécages. À l’est, les cimes des Kaladrunes se
reflètent sur la mer qui vient en lécher les contreforts. La
mer de Pellurie est constellée d’îlots, presque tous de petite
taille. Les îles Corbron forment le principal archipel, dont
on murmure qu’il servirait de havre aux Princes pirates.
La mer intérieure est l’habitat d’une multitude de créatures, la plupart naturelles, mais pas toutes. Le poisson y
abonde ainsi que les oiseaux de mer, les loutres et les otaries.
Certains prédateurs sont plus dangereux, tels les lézards
géants, les drakes marins ou encore le grand dragon de mer,
probablement plus mythique que réel. Y rôdent enfin de très
nombreux esprits de la nature et des entités surnaturelles,
dont certaines sont maléfiques.
Il arrive que certains monstres redoutables quittent la
terre ferme. Les Forcenés, qui constituent partout un danger, ont adopté une tactique plus insidieuse sur la côte de
Pellurie : ils ont appris à se cacher en eau peu profonde de
jour, afin de tromper la vigilance du guet en restant agrippés au fond marin, pour ne ressortir qu’à la faveur de la
nuit, couverts de vase et d’algues, afin de chasser en ville.
Nombre de bourgs côtiers ont instauré des patrouilles nocturnes en barque qui donnent l’alerte dès que se montrent
ces horreurs amphibies.
L’histoire de la mer de Pellurie se confond aussi avec celle
des maisons nobles des Dorns installées sur sa rive sud.
Lorsqu’elles s’établirent, elles renoncèrent à la gloire qu’apporte la guerre, n’ayant pas pris part à celle qui fit rage au
nord quand vint la fin du Premier Âge. Elles assurèrent un
rôle plus modeste, certes, mais essentiel, en gardant ouvertes
les routes commerciales tandis que leurs cousins septentrionaux croisaient le fer avec l’ennemi dans les Marches du
Nord, et quand les Sarcoséens débarquèrent à l’improviste
de l’extrême sud, cette solide ligne arrière assura d’abord
la défense, puis établit la paix avec les envahisseurs. Ces
maisons Dorns furent le pont qui permit la communication entre leur culture d’origine et celle des nouveaux
voisins et alliés puis leurs descendants, les fondateurs du
royaume d’Érenlande.