1. Locations

Érenlande du Sud

L’Érenlande méridionale débute à l’extrémité sud de l’Ardune et s’étend jusqu’au rivage de la mer Kasmael, entre la lisière de l’Erethor à l’ouest et les contreforts des Kaladrunes à l’est.

Cette prairie sèche aux reflets d’or est coupée en deux par le large ruban vert que forme l’Éren, qui trace un S inversé en cheminant vers la mer. Au nord, le territoire est strié des lits profonds laissés par les torrents saisonniers qui s’y déversent avant de rejoindre l’Éren. La plaine sud est aussi plate qu’une mer étale  ; elle se confond avec le ciel dans la brume de chaleur. La végétation consiste, en plus de la dizaine de variétés d’herbe haute, de bosquets de chênes nains, d’acacias et d’autres essences à large ramure et à feuilles vernissées aux endroits les mieux irrigués.

Plus au nord, la prairie, très sèche, ne verdit qu’à l’occasion des pluies de printemps puis brunit peu à peu et redevient poussiéreuse à l’automne. Les hivers sont frais et ponctués, de temps à autre, d’ondées glaciales. Les immenses troupeaux de boros, un temps devenus rares car trop chassés, paissent de nouveau en grand nombre. Il reste trop peu d’humains sur les plaines centrales pour contenir leur prolifération ; quant aux légionnaires orcs, ils sont trop occupés pour permettre à beaucoup des leurs d’aller chasser.

Dans l’extrême sud, la prairie prend des allures de savane surchauffée mais elle demeure verdoyante grâce aux fréquentes averses venues de la mer Kasmael. Les saisons se ressemblent, seulement reconnaissables aux variations du ciel nocturne et à la floraison de certaines essences. L’antilope et le tétra des joncs sont les proies favorites des chasseurs, tandis qu’une myriade d’oiseaux sillonne le ciel tout le jour

Là où la plaine rencontre la mer s’étirent de vastes étendues de marais salants et de vasières. Ces environnements sont parmi les plus riches d’Eredane en matière de biodiversité, la vie y grouille sous toutes les formes et tailles imaginables. Beaucoup des créatures côtières sont de petits charognards farouches  ; on peut aussi y croiser quelques prédateurs qui se repaissent des espèces inoffensives.

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Histoire

L’invasion sarcoséenne, en l’an 230 du Deuxième Âge, posa les bases culturelles et ethniques de l’Érenlande du Sud. Les Sarcoséens vinrent avec le cheval et le secret de l’acier, deux éléments qui changèrent à jamais l’art de la guerre, la technologie et le commerce en Eredane. Ils érigèrent de fières cités qui, au fil des millénaires, devinrent les plus grandes métropoles du continent. Après avoir conquis les Dorns, ils firent alliance avec eux afin de repousser leurs anciens maîtres quand ceux-ci traversèrent la mer orientale. La civilisation prospéra en commerçant dans toute l’Eredane et au-delà. Les unions mixtes avec le peuple dornien donnèrent naissance à la culture érenlandaise des plaines centrales. Unis sous la bannière du royaume d’Érenlande, Sarcoséens et Dorns firent cause commune avec les fées pour vaincre les légions d’Izrador lors de la deuxième invasion, en l’an 1948 du Deuxième Âge.

Comme les Dorns, les Sarcoséens pâtirent d’une longue période de décrépitude sociale et politique après la guerre contre Izrador. Moins accentué qu’au nord, ce déclin social et économique laissa cependant des traces profondes. Les guerres civiles entre Dorns sapèrent peu à peu les ressources militaires de l’Érenlande du Sud tout en coupant les routes commerciales si vitales qui unissaient naguère le nord et le sud. L’isolationnisme croissant des nains signa la perte d’un autre marché important pour l’économie sarcoséenne, de plus en plus affaiblie. À mesure que l’instabilité gagnait sur tous les fronts, les civilisations lointaines, qui avaient fait si longtemps la fortune des villes portuaires du sud, se tournèrent vers des marchés plus fiables.

Ce déclin lent et insidieux généra des remous tant sociaux que politiques qui fragilisèrent la société sarcoséenne autrefois si solide. Quand les agents de l’Ombre arrivèrent dans les cités du sud, ils rencontrèrent peu de résistance à leurs entreprises de corruption et découvrirent avec stupeur qu’ils avaient beaucoup d’alliés dans une population désenchantée.

Lorsque les armées d’Izrador, après avoir écrasé les défenseurs dorniens lors de l’Ultime bataille, marchèrent sur le sud, il n’y eut personne pour leur barrer la route sur les plaines centrales. Cambrial fut prise et rasée à titre d’exemple, comme si les récits des réfugiés dorniens n’avaient pas suffi à démoraliser leurs voisins méridionaux. Arrivées au bras occidental de l’Éren, les légions de l’Ombre trouvèrent le sussar Jukal juché sur son destrier, lance brandie, sur la plaine au nord de la ville, à la tête d’une armée forte de cinq mille cavaliers venus des terres du sud. L’espoir jaillit un instant dans le cœur des vaillants défenseurs… avant que la marée ennemie ne les balaie. Quelques chanceux prirent la fuite et ce sont leurs descendants qui, aujourd’hui, mènent un combat désespéré depuis des villages de tentes en pleine savane.

De nombreux sussars tinrent crânement tête aux armées de l’Ombre en retardant l’invasion finale plus longtemps qu’escompté, mais les ferments de la corruption, couplés à la puissance inexorable des légions d’Izrador, finirent par faire ployer le sud. Toute l’Érenlande était enfin matée.


Population

La culture dominante en Érenlande méridionale est celle des humains descendants des envahisseurs sarcoséens, arrivés les premiers du Vieil empire à travers l’Océan Pâle, un peuple de cavaliers hors pair à la peau sombre, longilignes, très fier d’une longue tradition qui repose sur un système de castes hautement hiérarchisé. Sur les six cent cinquante mille Sarcoséens qui vivent en Érenlande du Sud, plus de deux cent dix mille sont des citadins d’Alvedara, Sharuun et Hallisport.

Comme dans la Miraleen, la région occidentale de l’Erethor, des étrangers venus de pays lointains se sont retrouvés coincés en Érenlande méridionale par l’arrêt des transports au long cours. Restés par choix ou abandonnés contre leur gré, ces individus aux origines très diverses ont été contraints de refaire leur vie parmi des étrangers dans un pays lointain. Quelque trois mille cinq cents humains de peuplades lointaines, dont certaines que l’on croise rarement en Érenlande, résident dans des cités comme Sharuun et Hallisport.

Le nombre des orcs non-combattants qui ont migré au sud de la mer de Pellurie est peu élevé, mais de nombreux prêtres, marchands, chasseurs, cuistots, forgerons, esclavagistes et vivandiers ont suivi les innombrables soldats orcs en Érenlande méridionale. Au total, ce sont quelque deux cents mille orcs et peut être cent mille gobelinoïdes, ogres et autres séides d’Izrador qui ont gagné les plaines du sud.

Implantations

Les Sarcoséens formaient autrefois un peuple de cavaliers nomades qui vivaient dans des villages de tentes. Sédentarisés de longue date, ils ont opté pour le mode de vie citadin, mais sans jamais renoncer totalement à leurs traditions. Les villes qu’ils ont bâties sont de ce fait très ouvertes et spacieuses avec un grand nombre de places, fontaines et jardins et, tout autour, d’immenses pâturages. Leurs ouvrages, de préférence circulaires, associent de solides fondations en pierre et des murs en briques d’argile sèche qui soutiennent une toiture en dôme. Il s’agit d’édifices peu élevés mais vastes dont le plan s’organise en étoile à partir d’une cour centrale et qui présentent de larges fenêtres, des balcons et peu de cloisons de séparation.

Tous les bourgs sarcoséens, du plus petit village à la métropole, possèdent au moins un édifice beaucoup plus haut que la moyenne, la badrua ou « tour des étoiles », qui sert de point de mire aux croyants sarcoséens et reprend la symbolique de l’ancien mât des esprits qui trônait naguère au centre des villages de tentes.

La tradition des bivouacs temporaires ne s’est jamais perdue : les Sarcoséens, qu’ils soient négociants ou chasseurs, continuent de dresser leurs villages de tentes quand ils voyagent. Sous le règne de l’Ombre, maints réfugiés et résistants sont contraints de vivre comme leurs ancêtres nomades.

La toile des tentes est en cuir de cheval tanné sur lequel on a laissé le pelage. Ces sortes de yourtes sont dotées d’un mur bas tendu sur une ossature de bois circulaire et comporte au centre du toit en dôme un grand trou central pour évacuer la fumée. Le village type est constitué de quelques tentes où logent jusqu’à vingt personnes, disposées autour d’une vaste yourte qui sert à la fois de salle commune et de lieu d’habitation pour le chef et sa famille étendue. Les chevaux dorment en général attachés à l’extérieur, au plus près de leur cavalier respectif.

Un tel village peut être installé en une heure, et démonté et remballé en moitié moins de temps. Les tentes se divisent en charges assez légères pour que les chevaux qui les transportent puissent galoper au besoin. La grande mobilité induite explique en partie pourquoi les orcs à la solde d’Izrador peinent tant à éliminer les derniers insurgés sarcoséens.

Gouvernement

Aux temps anciens, soit avant leur arrivée en Eredane, les Sarcoséens étaient sous la coupe d’un puissant empereur, le khalife. L’empire, immense, était divisé en provinces, chacune gouvernée par un shérif choisi dans l’entourage immédiat du khalife parmi les sussars de haut rang – des sortes de chevaliers, le terme signifiant littéralement « cavalier du serment ».

Sitôt la conquête de l’Eredane engagée, le khalife nomma un shérif chargé d’administrer ses nouvelles terres. Le shérif dirigeait au nom de l’empire, mais dans la pratique, il régnait sans partage. Hormis le tribut qu’il envoyait par bateau au khalife, son autorité sur la colonie était totale. Les terres sous contrôle sarcoséen étant immenses en Eredane, le shérif nomma des gouverneurs provinciaux choisis dans les rangs de sa garde rapprochée. Quand un shérif prenait de l’âge ou était rappelé au pays, le khalife en désignait un nouveau, souvent le propre fils du shérif ou l’un de ses protégés. La charge de shérif colonial devint ainsi peu à peu héréditaire.

An l’an 853 du Deuxième Âge, la guerre contre les Dorns achevée, la mainmise du shérif sur les terres humaines d’Eredane fut totale. Au lieu de soumettre les Dorns, les Sarcoséens leur proposèrent une alliance. Les shérifs des provinces offrirent aux monarques Dorns de leur prêter allégeance et de continuer à régner. En dépit des tensions initiales, les souverains dorniens consentirent à plier le genou. Une ère de paix débuta sous l’autorité des shérifs sarcoséens.

En l’an 1062 du Deuxième Âge, la colonie commença à regimber face aux exigences croissantes du Vieil empire. Celui-ci s’affaiblissait, les révoltes sur ses terres obligeaient le khalife à exiger un tribut toujours plus lourd. Le prix en navires, soldats, or et autres ressources devint vite insupportable. Convaincu que l’Eredane était trop loin pour qu’une révolte soit aisément matée, et consciente que l’empire combattait déjà sur plusieurs fronts, l’ambitieuse jeune shérif Shezen Kari rallia ses chevaliers, sarcoséens comme dorniens, et lança l’attaque contre les navires impériaux dans les ports d’Eredane. La shérif se trouva bien vite à la tête d’une rébellion généralisée. La guerre fut sanglante et dura près de cinquante ans, mais le Vieil empire finit par se rendre à l’évidence  : l’Eredane était trop loin et ses troupes trop dispersées pour continuer à y imposer son joug colonial.

En 1113 du Deuxième Âge, le prince Zefu Kari, fils de Shezen, convoqua ses vassaux sarcoséens et dorniens à un grand raout que l’histoire a baptisé Conclave des souverains. Le prince déclara qu’à compter de ce jour, l’Eredane n’était plus sous l’emprise du Vieil empire et proclama la naissance du royaume d’Érenlande. Sa famille régnerait sur le royaume avec le titre de khalife, souverain suprême. Il devint le premier de sa lignée et ses cavaliers du serment, sarcoséens comme dorniens, gardèrent leurs terres avec le titre de prince. Zefu exigea que des serments soient passés en public afin de renouer les alliances sous la nouvelle bannière d’Érenlande. Si les premiers temps de son règne furent difficiles, l’Érenlande tint bon pendant plus de mille sept cents  ans, jusqu’à l’avènement d’Izrador en 897 du Troisième Âge.

Au fil des longs siècles du Deuxième Âge puis aux temps assombris du Troisième, les souverains suprêmes firent régner la loi en Érenlande. Crises économiques, troubles et guerres : les khalifes s’assurèrent la loyauté de leurs sujets en mêlant gouvernance éclairée, sens politique, œuvres de charité et puissance militaire. Pour dévoués à leur tâche qu’ils fussent tous, en définitive, la fourberie d’Izrador fut la plus forte.

Bien avant que ses légions déferlent du nord lointain, les insidieux agents de l’Ombre s’attelèrent à semer les germes de la division au sud, concentrant leurs efforts sur les sussars au service du khalife. Beaucoup cédèrent à la volonté du dieu déchu, au point que même Othaeron Mortenbreth, l’un des plus fidèles vassaux du khalife, militaire de renom et cousin par alliance du souverain suprême, se retourna contre ce dernier. Traître parmi les traîtres, Othaeron devint l’un des terrifiants Noctarques d’Izrador et, sitôt le trône du khalife Kari usurpé, fit s’abattre la ruine et le désespoir sur l’Érenlande. Désormais, sous le joug implacable de l’Ombre, de prétendus sussars règnent d’une main de fer sur les grandes métropoles du sud et Othaeron Mortenbreth est le haut roi d’Érenlande autoproclamé.

Si tous ont été supplantés par des collaborateurs à la solde de l’ennemi, certains nobles sarcoséens demeurent actifs dans le sud, terrés dans quelque ville ou chevauchant librement dans la plaine. Résistants, ils sont moins animés par la volonté de faire valoir leur rang que par le désir ardent de bouter l’ennemi hors de leurs frontières.

Par tradition, chaque Sarcoséen est lié par serment à un chevalier qu’il sert en tant qu’homme-lige ou membre de sa maison. Ce chevalier est lui-même lié par serment à un sussar de plus haut rang, et ce, jusqu’au khalife lui-même. Lors du Dernier Âge, la plupart des Sarcoséens sont tenus d’obéir à un supérieur qui affirme être un chevalier alors qu’il n’est qu’un traître à la solde de l’Ombre. Les hors-la-loi, pour leur part, décident à quel seigneur va leur loyauté en s’affranchissant du lien traditionnel.

Religion

Les Sarcoséens sont l’une des seules cultures d’Eredane restées fidèles au culte des dieux, acceptant du même coup le dogme et le rôle éminent des prêtres. Les préceptes de cette religion reposent sur la notion de Sorshef ou « cavalerie céleste », et sont enseignés par les membres du clergé, les sahi. Les membres innombrables de la cavalerie céleste sont des divinités qui sillonnent le ciel au galop, accomplissant des quêtes mystérieuses que reflète la trajectoire des constellations. Leurs exploits sont retracés dans le Sorshef Sahi, une très longue litanie de paraboles dont le clergé extrait des leçons de sagesse et un code de conduite à l’usage des fidèles.

Les dieux sarcoséens n’ont jamais été des entités bienveillantes dont les croyants attendent des bienfaits en échange de leurs prières et offrandes. Ils tiennent depuis toujours le rôle de tuteurs sévères, dont l’unique but est d’inculquer une morale stricte vouée à trier le bon grain de l’ivraie. La foi sarcoséenne est de ce fait bien adaptée à un ici-bas coupé du royaume des cieux, puisqu’elle n’a jamais rien promis de tangible à ses fidèles.


Les paraboles du Sorshef


Dal Sahaad, divinité de premier plan de la culture sarcoséenne, voit souvent son nom invoqué. Ce serait lui qui aurait dompté le premier cheval sauvage, et il est donc à ce titre l’un des rares dieux à avoir offert autre chose que des leçons de morale aux Sarcoséens. Cavaliers et dresseurs font appel à lui lorsqu’ils ont affaire à un animal particulièrement rétif, et les coursiers d’exception sont couramment baptisés Sahaad Bedin ou « enfant de Sahaad ». Sahaad est une constellation brillante, bas sur l’horizon nocturne, au sud, qui semble souvent chevaucher depuis la lune.

Dal Hali, l’étoile du soir, a pour mission épuisante de traîner le soleil hors du ciel à chaque crépuscule. Les fidèles l’invoquent de ce fait lorsqu’il est question d’accomplir un travail physique harassant ou de survivre à des conditions qui mettent l’endurance à rude épreuve.

Dal Pashva est à jamais un tout jeune poulain qui, venant tout juste de se dresser sur ses pattes, caracole sans fin dans le ciel nocturne. Il est l’avatar de la bonne fortune et des heureuses coïncidences, et n’apparaît qu’à la lueur d’une étoile filante.

Les Sarcoséens sont convaincus que toutes les difficultés qu’ils endurent de leur vivant sont des épreuves conçues pour mesurer leur valeur, et que lorsque l’un d’eux meurt et entreprend son hashu ou « cavalcade céleste », il est voué à se confronter aux dieux-cavaliers du Sorshef. Ceux qui ont failli sont désarçonnés et condamnés pour l’éternité à marcher dans le vide interstellaire, sans monture et sans honneur. Ceux qui sont jugés dignes prennent part à la cavalerie céleste où ils brillent, exemples éclatants de vertu et d’honneur pour les Sarcoséens d’ici-bas.

Il existe des centaines de dieux dans la cavalerie céleste, pour la plupart à la fois humains et chevaux, aptes à assumer l’une ou l’autre apparence, voire une forme hybride. Chaque divinité a pour attributs des domaines spécifiques de savoir, de compétence et de vertu, que seuls les prêtres connaissent entièrement. Dans la vie quotidienne, les Sarcoséens pieux invoquent souvent le nom de tel ou tel dieu selon la tâche qu’ils entreprennent, non par espoir d’y gagner quelque avantage, mais afin d’impressionner la divinité concernée s’ils arrivent à leurs fins.

Les étoiles du ciel nocturne sont le Sorshef dans son entièreté  ; les paraboles sahi, bien souvent, associent tel dieu à telle constellation. Tout Sarcoséen connaît en conséquence les noms des différents corps célestes visibles depuis le sud et a toujours en réserve une fable, guerrière ou morale, pour expliquer la forme ou la course de n’importe quelle constellation.

Ces paraboles et ces pratiques religieuses sont bien entendu proscrites par les agents à la solde d’Izrador. Le dieu déchu est le seul vrai dieu, selon eux. En prier d’autres, fussent-ils des dieux sourds aux suppliques des mortels, indigne les légats. Comme au nord, l’emprise de l’Ombre s’étend sur tout le sud, mais l’occupation des terres sarcoséennes et les châtiments infligés y sont beaucoup moins implacables. Les autochtones continuent de vénérer le Sorshef et d’ordonner des sahi sans s’en cacher ou presque. Les coutumes ont la vie dure chez ce peuple très pieux : les Sarcoséens récitent leurs prières à mi-voix et racontent les paraboles divines en faisant comme s’il s’agissait de héros mortels. Tant qu’ils n’organisent pas de grands rassemblements religieux autour de leurs tours des étoiles, ils ne risquent rien.

Langues

Quand les Sarcoséens arrivèrent en Eredane, leur strict système de castes était encore durci par des langues distinctes. L’aristocratie parlait la langue de cour, réservée aux nobles et aux dirigeants. Le petit peuple parlait quant à lui une version plus « efficace » de ce dialecte, très similaire dans sa structure, mais dotée d’un vocabulaire assez différent et plus facile à prononcer que la langue de cour. C’est cette langue qui donna naissance au colonial tel que le parlent les autres peuples d’Eredane. L’étrangeté du système résidait dans l’interdit imposé à chaque groupe, pourtant bilingue, d’employer la langue de l’autre. La communication entre aristocrates et gens du peuple donnait ainsi lieu à des échanges étranges, chacun parlant sa langue tout en comprenant l’autre.

L’avènement de l’Érenlande sonna le glas de cet excès de zèle linguistique dans la société sarcoséenne. Les nouveaux alliés dorniens avaient déjà assez de mal à prononcer le sarcoséen du petit peuple ! En peu de temps, le côté pratique l’emporta sur le tabou culturel et le colonial devint la langue commune à tous les Sarcoséens, la langue de cour restant l’apanage des seuls scientifiques, religieux et magiciens.

Commerces et artisanat

Les Sarcoséens furent un temps presque aussi doués pour le négoce que le sont les gnomes. Avant l’avènement d’Izrador, ils étaient de longue date partenaires commerciaux des clans nains du sud des Kaladrunes. Les transactions concernaient le fruit de leurs terres cultivées, échangés contre les outils, armes et beaux bijoux en or du peuple des montagnes. Le commerce avec les halfelins touchait à l’une des spécialités du petit peuple, à savoir le travail du cuir : sellerie et armures légères. Les Sarcoséens fournissaient en outre des chevaux aux elfes en échange d’articles magiques, de flèches et de produits médicinaux. Les elfes préféraient leurs petits chevaux aux races plus massives du peuple dornien, ce qui tombait bien car les Sarcoséens n’ont jamais été très versés dans l’art de la magie. Ils servaient enfin d’intermédiaires entre les Dorns et les halfelins pour tout ce qui concernait le textile, les épices et le tabac. Leurs plus gros profits se faisaient sur les marchandises exotiques arrivant par bateau à Sharuun et Hallisport depuis des contrées lointaines. Ce flot constant assurait à l’Érenlande du Sud une puissance économique qui irradiait sur tout le continent.

Au cours du Troisième Âge, à mesure que les nains s’isolaient et que la méfiance entre monarques d’Érenlande du Nord dégénérait en conflits, l’économie sarcoséenne périclita. La dépendance des Sarcoséens envers la métallurgie naine les avait peu à peu privés de leur savoir-faire en la matière, et quand les échanges se raréfièrent avec le peuple des montagnes, les humains découvrirent avec stupeur qu’ils manquaient d’artisans qualifiés. La guerre civile au nord déposséda le sud de débouchés vitaux pour leurs marchandises venues de loin, puis le coup de grâce arriva avec l’avènement d’Izrador et la fin concomitante du commerce transcontinental. Les Sarcoséens n’eurent plus le droit de naviguer et les navires étrangers refusèrent de jeter l’ancre en Eredane par peur d’Izrador.

C’en était bel et bien fini de ce commerce diversifié à grande échelle, remplacé durant le siècle qui vient de s’écouler par un artisanat et une agriculture réduits, tout juste bons à satisfaire les besoins locaux. Les voyages étant interdits, chaque ville ou région est contrainte à une forme sévère d’autarcie avec deux limites franches : la main-d’œuvre disponible et surtout, des matières premières qui se raréfient.

Si les vivres sont plus abondants en Érenlande méridionale que partout ailleurs en Eredane, la région manque cruellement de minerai brut. La métallurgie se cantonne donc au recyclage de l’existant, ce qui a fait grimper en flèche le prix du fer et de l’acier de deuxième main.

La monnaie du royaume


L’Érenlande du Sud, en particulier les régions autour d’Alvedara, Sharuun et Hallisport, est le seul endroit dans toute l’Eredane où l’or et l’argent ont encore cours. Le peuple n’est pas contraint de recourir au troc dans ces provinces où règne l’ordre et où l’économie locale tient encore debout. Les faux sussars vantent l’usage de la monnaie, persistent à dire que tout va bien et exigent que le commerce s’appuie sur le système monétaire.

Les édits incitent le petit peuple à continuer à payer en or et en argent tous ses achats, qu’il s’agisse de boire une bière, de faire ressemeler ses bottes ou de nourrir son cheval. Mais les gens ne sont pas dupes et le troc a leurs faveurs dans la vie quotidienne. Si des pièces s’échangent souvent quand une affaire est conclue, c’est uniquement pour donner le change vis-à-vis des gros bras et autres espions du régime. Même lorsque l’argent est utilisé « pour de vrai », les prix ont tellement flambé lors des dernières décennies que le coût du moindre article a été multiplié par trois, voire par cinq.

Us et coutumes

Si la culture sarcoséenne n’a pas autant souffert de l’occupation que celle des Dorns, même au sud, le travail de sape de l’Ombre est manifeste.

Le royaume d’Érenlande


Le royaume d’Érenlande était à l’origine un savant montage politique orchestré par le khalife Kari afin d’asseoir sa suprématie en l’an 1112 du Deuxième Âge, quand les colonies d’Eredane se libérèrent du joug du Vieil empire. Kari fit valoir son statut de haut roi à l’occasion d’une cérémonie où les monarques dorniens renouvelèrent leurs vœux de loyauté proférés envers le shérif sarcoséen, en l’an 853. Le Conclave des souverains fut l’occasion de signer des traités qui garantissaient aux sussars sarcoséens comme aux chefs des maisons nobles du peuple dornien qu’ils garderaient le titre de princes inféodés au haut roi d’Érenlande, avec tous les droits et privilèges de vassaux du khalife.

Les premières années, l’Érenlande demeura une fiction politique qui n’avait de sens que par le biais des traités. Dorns comme Sarcoséens ne se sentaient nullement unis ; les relations entre sussars et princes dorniens furent d’ailleurs émaillées de tensions. Les frictions durèrent plusieurs décennies, au nord comme au sud. Le jeune royaume était tiraillé de toutes parts.

Puis, à mesure que le temps passait, les échanges commerciaux et culturels nouèrent des liens que les traités seuls n’avaient pu tisser. L’unification entre les deux peuples alla bon train. Mariages politiques entre nobles, mais aussi relations quotidiennes entre gens du peuple, contribuèrent à créer une société mixte.

De siècle en siècle, au gré des caravanes marchandes et des unions interculturelles, ce qui n’était au départ qu’une idée prit la consistance d’un vrai royaume, uni de surcroît par un ennemi commun. Si l’éloignement géographique, le système de loyautés entre maison nobles des Dorns ainsi que la société très hiérarchisée des Sarcoséens contribuent au maintien des différences entre le nord et le sud, les Érenlandais des vallées centrales ont depuis longtemps cessé de se penser en autre chose que des sujets du royaume d’Érenlande. Des sujets soudés et fiers d’être tous sous l’autorité d’une même couronne, quelles que soient leurs origines respectives.

Castes sarcoséennes


Quand les Sarcoséens débarquèrent en Eredane, ils importèrent leur système social hautement hiérarchisé qui datait des temps anciens, au plus fort de leurs conquêtes. À cette époque reculée, la caste inférieure était constituée d’étrangers, de criminels et de tous les peuples récemment conquis. La caste supérieure était réservée aux individus de sang royal, aux prêtres, aux politiciens et aux éleveurs de chevaux. La caste intermédiaire englobait les paysans, artisans, marchands, soldats et autres gens du commun. Ce système très dur imposait lois, interdits et privilèges distincts selon la caste.

Des siècles de troubles et de pressions politiques plus tard, cette société figée fut contrainte d’opérer sa révolution. Peu à peu, le système qui faisait passer la naissance avant tout intégra le mérite individuel, la bonne réputation et la rigueur morale. Ce système, par certains aspects aussi rigide que le précédent, permettait aux plus humbles d’aspirer à la grandeur.

À leur arrivée en Eredane, les Sarcoséens avaient adopté depuis des siècles cette société au mérite qui était l’une des raisons de leur succès. Elle garantissait en effet que les meilleurs éléments puissent accéder à de hauts niveaux de responsabilité. Être issu d’un peuple conquis n’empêchait pas de devenir riche, voire très influent, dans cette culture sarcoséenne remaniée. La nature éclairée de cet ordre social incita les colons sarcoséens à unir leur destin à celui des Dorns plutôt qu’à les écraser. À n’en point douter, c’est à cela que les Sarcoséens doivent d’être devenus la culture humaine dominante d’Aryth.

Si le fait d’être bien né ou riche confère un avantage initial de poids dans la société sarcoséenne, tout le monde peut s’y hisser à force de ténacité, de travail et de bonne réputation. L’attribution d’un nouveau statut au sein du système de castes est l’apanage des sussars et du khalife. La société sarcoséenne n’est pas exempte de corruption et de favoritisme. Pour autant, comme la valeur d’un individu n’est pas seulement jugée sur sa réputation personnelle, mais aussi sur celle de ses subordonnés, il est rare qu’un sujet peu scrupuleux soit promu.

La caste inférieure du système sarcoséen, les shol, englobe les criminels, les mendiants, les parjures et les étrangers qui n’ont rien fait pour améliorer leur sort. Ses membres n’ont aucun droit équin.

La caste suivante, celle des asara, comprend les fermiers, bergers, pêcheurs, paysans et Érenlandais de souche sarcoséenne. Tous n’ont pas de droits équins, mais beaucoup ont de grandes chances d’accéder à un statut supérieur.

Juste au-dessus, celle des beeshi regroupe les marchands, éleveurs de chevaux, soldats et artisans. Presque tous les Sarcoséens de valeur atteignent le rang de beeshi même si, pour beaucoup, il faut attendre un âge avancé.

Viennent ensuite les uruush où l’on trouve les prêtres et les nobles ayant accompli un long et exceptionnel service auprès d’un sussar.

Les sharu forment la deuxième caste la plus élevée, réservée aux individus appelés à devenir des cavaliers du serment

Les sussars, ou « cavaliers du serment », constituent la caste supérieure, ce qui implique un mélange d’autorité et de devoirs. Les sussars ne doivent obéissance qu’au khalife ; c’est dans leurs rangs que sont désignés les généraux, gouverneurs et autres dirigeants d’envergure.

Quand il atteint l’âge adulte, tout Sarcoséen prête allégeance à un sussar et devient de facto membre de sa famille étendue. La loyauté de chaque individu est ainsi clairement définie, et ses responsabilités et devoirs édictés, qu’il s’agisse d’accomplir ses tâches quotidiennes ou de prendre les armes. Contrairement aux Dorns, les Sarcoséens ne sont pas nécessairement apparentés par le sang à une maison noble  ; les motifs de leur affiliation tiennent parfois aux hasards de la vie. Si la plupart ne rencontrent leur sussar qu’à l’occasion d’un changement de caste, tous ont précisément connaissance du rang, de la réputation et des devoirs de leur supérieur, pour avoir eu de fréquentes interactions avec les cavaliers du serment et les sharu qu’il a nommés gouverneurs.

Pour étrange que cela paraisse, le système de castes des Sarcoséens est plus égalitaire que la hiérarchie qui régit maintes autres cultures. Il est très strict et l’ascension sociale n’est pas assurée, mais tous les sujets ont une chance de se hisser à un rang supérieur. Humbles ou riches, jeunes et vieux, tous ceux qui possèdent un statut identique sont soumis aux mêmes obligations. Il est certes permis d’aspirer à n’importe quelle caste même si, dans les faits, il existe de nombreux obstacles à l’ascension sociale, certains manifestes, d’autres plus subtils.

Les enfants n’ont aucun statut tant qu’ils n’ont pas dompté leur premier cheval. Ce rituel hautement symbolique marque le passage à l’âge adulte ; il a lieu le plus souvent entre douze et quatorze ans. Si, comme cela se produit parfois, l’enfant vide les étriers lors du cérémonial, la tradition exige qu’il attende une année avant de recommencer. Dompter un cheval constitue le premier pas vers le statut d’adulte dans la société sarcoséenne. Les jeunes années qui suivent sont consacrées à l’apprentissage d’un métier, le plein âge adulte étant atteint le jour du vingtième anniversaire.

Les avancements sont accordés par le sussar dont dépend le récipiendaire. Il arrive quelquefois qu’un sussar demande à l’un de ses pairs de promouvoir un sujet sous la responsabilité de ce dernier, pour services rendus ou bravoure exceptionnelle. De telles requêtes n’étant jamais faites à la légère, elles sont presque toujours honorées.

La promotion d’une caste à l’autre a lieu pour diverses raisons. Les codes culturels qui prévalent au jugement porté sur la valeur d’un individu répondent à une tradition longue et complexe. Service militaire ou public, acquisition de fortune, érudition, talent artistique reconnu ou savoir-faire de pointe sont tous des motifs recevables d’accéder à la caste immédiatement supérieure. D’autres considérations – sacrifice personnel, héroïsme, gratitude du sussar pour services personnels – peuvent elles aussi donner lieu à une promotion. Aux heures sombres du Dernier Âge, risquer sa vie face aux légions d’Izrador est un gage de bravoure évident qui suffit dans bien des cas à se voir proposer un avancement. Si le fait d’appartenir à une noble lignée ou à une famille richissime suffit parfois à accéder au rang de beeshi, seul un individu réputé et talentueux grimpera plus haut dans la hiérarchie.

Il existe tout un ensemble de lois coutumières, de restrictions et de privilèges associés au système de castes sarcoséen, avec des répercussions profondes dans la vie quotidienne. Il n’est par exemple octroyé aucun droit équin à un individu tant qu’il ne s’est pas hissé au-dessus du statut de shol. On ne peut pas davantage se marier hors de sa caste, et seuls les beeshi ou rangs supérieurs sont autorisés à élever et vendre des chevaux.

Le statut de chacun, en outre, peut se perdre plus aisément qu’il n’a été acquis. Mentir, tricher, tuer un cheval ou être condamné pour un crime se traduit le plus souvent par la perte d’un ou plusieurs rangs selon la gravité de la faute. Dans les cas les plus sérieux, non seulement le fautif est redescendu tout en bas de l’échelle, mais il est banni à vie des terres sarcoséennes et exécuté au premier manquement.

Le système de castes est la pierre angulaire de la société sarcoséenne. Même aujourd’hui, sous le règne de l’Ombre, alors que tant d’autres institutions ont perdu toute signification et qu’il reste peu de cavaliers du serment pour accorder un rang supérieur, cette hiérarchie a gardé de sa vigueur. Aussi improbable que cela puisse paraître, cette coutume est le ciment qui permet aux Sarcoséens de se sentir unis, fiers, et de garder espoir. Le statut de chacun est un trésor, à la fois pour l’individu concerné et pour la société dans son ensemble, que ni Izrador ni ses séides ne peuvent voler. En l’absence de réel système de gouvernement et ayant grand besoin de chefs respectables, les Sarcoséens libres se tournent de plus en plus vers leurs supérieurs hiérarchiques dès que la situation l’exige.

Allégeance à l’Ombre


Les faux sussars et leurs sujets, quant à eux, sont soumis à des règles très différentes. Dans les villes occupées par l’ennemi, les rangs les plus élevés ont été souillés par la promotion arbitraire et intéressée de sussars fantoches, contraignant les individus honorables de rang inférieur à se tourner vers leurs pairs pour arbitrer les litiges de la vie quotidienne. Certains sussars à la solde de l’Ombre offrant même des promotions en récompense de services rendus, les Sarcoséens les plus matois peuvent se retrouver avec des statuts distincts selon le seigneur concerné. Il existe même certains citadins qui ont pris langue avec les rebelles opérant dans la plaine et qui, toujours pour services rendus mais cette fois au profit de la rébellion, ont bénéficié d’un avancement. La situation est très embrouillée, et différentes hiérarchies coexistent, sous l’autorité des faux sussars liés à l’Ombre et celle des cavaliers du serment restés fidèles à la tradition.

Maints sujets sarcoséens ont en conséquence coupé les ponts avec leur sussar attitré tandis que d’autres sont contraints d’obéir à un traître au service d’Izrador. Certains prennent le parti de l’Ombre par choix personnel, certains autres par peur des conséquences en cas de refus. Les plus téméraires cherchent un descendant de quelque prince authentique dans l’espoir de lui prêter allégeance et de se mettre à son service dans la cavalerie des hors-la-loi.

Maîtres de l’intrigue


Le système de castes des Sarcoséens a aussi sa face sombre  : l’obligation, pour les membres des strates supérieures, de passer maîtres ès manipulations. La noblesse sait de longue date que les manœuvres en sous-main sont bien souvent le meilleur moyen de garantir sa réputation et son avancement. Jusqu’aux plus honorables se doivent de posséder l’art raffiné de l’intrigue de cour afin de progresser dans la hiérarchie – un mécanisme qui a permis à plus d’un individu sans scrupules de se hisser au-dessus de sa valeur parce qu’il ou elle savait quelles ficelles tirer.

Lorsque fut fondé le royaume d’Érenlande, les Dorns, qui n’étaient nullement préparés aux intrigues incessantes de la cour du khalife, furent totalement dépassés sur le plan politique. Puis la « mode » du complot de cour permanent gagna les cours des monarques du nord quand, à la faveur de mariages arrangés, des nobles sarcoséens se retrouvèrent à vivre parmi eux.

Les agents à la solde d’Izrador entreprirent ensuite de semer les germes de la corruption dans toute l’Érenlande en y mettant autant d’ardeur au nord qu’au sud. Si les Dorns prêtèrent aisément le flanc aux mensonges susurrés par les séides de l’Ombre, le sens de l’intrigue n’était pas leur fort. Leurs alliés du sud, à l’inverse, se montrèrent plus difficiles à berner, mais en terre sarcoséenne, le goût du complot était si profondément ancré que les espions n’eurent ensuite aucun mal à brouiller les pistes. Quand l’Ombre descendit enfin depuis le nord, beaucoup de braves sujets étaient au service de l’ennemi sans en avoir conscience, et au moment de choisir entre un châtiment infligé par leurs pairs pour trahison et une récompense offerte par les serviteurs du dieu déchu, beaucoup préférèrent la carotte au bâton. Sombre ironie : maints dirigeants sarcoséens, habitués à chercher les honneurs, prirent d’instinct le parti du pouvoir… synonyme de reniement de leurs principes.

Seigneurs des chevaux


Les Sarcoséens sont des cavaliers avant toute chose. Leur longue histoire est intimement mêlée à celle de leurs fidèles montures, c’est d’ailleurs à eux que l’on doit l’introduction du cheval en Eredane. C’est du haut de leur selle qu’ils bâtirent leur empire colossal, du haut de leur selle qu’ils régnèrent sur l’Érenlande et du haut de leur selle qu’ils continuent à résister aux armées de l’Ombre. Les Sarcoséens, maîtres éleveurs et dresseurs, voient tous les pans de leur culture imprégnés par le cheval, tant du point de vue mythologique que spirituel ou dans la vie quotidienne. Beaucoup apprennent à monter à cheval et à s’occuper de leur monture dès l’enfance, le rite de passage à l’âge adulte consistant à dompter un animal sauvage. Tuer un cheval sain est un crime très grave ; enfin, les lois coutumières régentent le droit d’utiliser un cheval ou de le monter selon la caste.

Posséder un cheval est un accomplissement suprême dans la culture sarcoséenne et un privilège réservé au khalife et à ses sussars. Les Sarcoséens de rang plus modeste sont autorisés à monter à cheval et à en prendre soin sur accord express de leur cavalier du serment tutélaire. Dans la pratique, ce sont les membres de la caste des beeshi qui s’occupent des chevaux des sussars, qu’ils dressent, entretiennent et négocient au nom de leur seigneur.

Attribuer des droits équins est un élément-clef du pouvoir des sussars, d’autant qu’être détenteur de ces privilèges fait toute la différence au sein des castes inférieures. Ces droits très prisés autorisent les Sarcoséens à entraîner, élever, monter et faire travailler les chevaux. La caste la plus basse n’y accède jamais ; il faut atteindre le rang d’asara pour que cela devienne possible, bien que jamais systématique. Requis pour se hisser au rang de beeshi, les droits équins sont parfois retirés en guise de châtiment, de façon temporaire ou permanente selon la gravité de la faute commise.

Les Sarcoséens bénéficiaires de droits équins sont autorisés à posséder une monture et à en changer lorsque nécessaire. Si, légalement, seuls les sussars sont propriétaires des chevaux, dans la pratique, quand un individu se voit attribuer un animal, celui-ci reste sous sa garde jusqu’à ce qu’il meure ou que son détenteur soit privé de ses droits équins. 

Les chevaux sarcoséens sont des animaux rapides de petit gabarit. Moins robustes que la variété plus massive préférée par les Dorns, ils peuvent néanmoins galoper tout le jour et transporter des charges étonnamment lourdes pour leur taille. Leur robe va du noir éclatant au bai sombre, la crinière est fournie et tous, sans exception, sont bichonnés. Si beaucoup ont l’expérience du combat, les cavaliers sarcoséens font fi des lourds caparaçons ; la vitesse et l’instinct de leur destrier, selon eux, suffisent à les protéger.

Maîtres astrologues


Les sahi excellent dans l’art d’observer les étoiles. Depuis des millénaires, ces prêtres suivent de près leur mouvement, dont ils tirent des présages. Le dogme sarcoséen affirme que tout événement peut être prédit à condition de bien interpréter le ciel nocturne et la position des astres. Naissance d’un enfant, domptage d’un cheval, union d’un couple ou sort d’une bataille, tout est placé sous l’influence mystérieuse du Sorshef, sorte de roue céleste. Tous les Sarcoséens croient dur comme fer en l’influence des étoiles et s’y réfèrent à chaque instant de la vie. Moissons, saillie des juments, consommation des mariages, jusqu’aux raids ont lieu sous la configuration la plus favorable possible.

Le ciel du Sorshef est divisé en dix Grands arcs. Chaque arc représente le domaine d’un khalife des cavaliers célestes et englobe son armée de constellations. Les limites de ces arcs sont confuses et ne sont connues que du seul clergé. La position des arcs évolue lentement selon un cycle annuel au cours duquel chacun occupe tour à tour la position dominante, la helia. Un arc dure environ trente-quatre jours, période pendant laquelle les prêtres affirment que les dieux concernés observent ici-bas avec une attention marquée. Ils sont divisés puis subdivisés en helia mineures et irrégulières, durant chacune desquelles un cavalier céleste en particulier exerce sa vigilance. Le passage des arcs et des helia fournit, outre les dates importantes du dogme religieux, un calendrier à tout un chacun

Si c’est aux elfes que l’on doit les annales historiques les plus complètes d’Eredane et un calendrier historique de référence, c’est au clergé sarcoséen que l’on doit le calendrier annuel le plus précis et détaillé. Depuis leur invasion, le système d’arcs et de helia s’est taillé une place dans toutes les cultures d’Eredane et est utilisé partout, sous une forme ou une autre, pour marquer le passage des jours et des saisons.

Le calendrier sarcoséen sahi


Chaque jour sur Aryth dure environ 26 heures et les années, quelque 337 jours. Chacun des dix Grands arcs comprend de ce fait à peu près 34 jours au gré des calculs et présages des oracles sarcoséens. Les arcs sont ensuite divisés en helia mineures dont la durée varie entre 2 et 17 jours. Cette irrégularité, que seuls les prêtres sont capable de maîtriser avec précision, fait que les helia mineures sont rarement utilisées pour le décompte du temps. Seul le jour du « zénith hélial » sert de référence, puisqu’il marque la moitié des arcs qui sont tour à tour ascendants et descendants

Notez au passage que les journées sont plus longues sur Aryth mais qu’au total, le nombre d’heures d’une année est sensiblement identique. On considérera donc qu’un personnage vieillit au même rythme en Eredane que s’il vivait dans le monde réel.

Grands arcs du Sorshef


Chaque arc est nommé d’après le dieu-cavalier considéré comme le plus puissant de sa région du ciel. Si certains passages du Livre des Sahi indiquent qu’aux temps anciens, les dieux-khalifes de certains arcs ont changé, ce qui a donné lieu à une nouvelle nomenclature des arcs, l’événement ne s’est pas reproduit depuis que les Sarcoséens ont débarqué en Eredane.

Arc de Shareel
Cet arc est aussi nommé «  arc des Sœurs  ». Le dégel dans les plaines centrales débute le plus souvent à la fin de Shareel, soit quand les boros sauvages commencent à migrer vers le nord.

Arc de Doshram
C’est à cette période qu’ont lieu les semailles et que l’on dompte les jeunes chevaux. L’arc est en outre considéré comme favorable aux mariages dans la culture sarcoséenne.

Arc de Sahaad
Marquant la fin du printemps, cet arc est propice à la mise bas des poulains. C’est aussi, par tradition, l’époque de l’année où les Sarcoséens nomades quittent leur camp d’hiver. Les enfants nés au zénith de Sahaad sont destinés à faire de grandes choses, croit-on.

Arc de Sennach
Arc de la bataille, c’est le temps propice à la chasse, aux conquêtes et au départ des caravanes marchandes

Arc de Halail
C’est l’arc du plein été en Eredane, la période la plus chaude dans l’ensemble du continent. Les jeunes en âge de le faire se frottent souvent à la soba, ou « cérémonie du domptage », pendant Halail.

Arc de Zimra
Période des moissons et saison sèche et venteuse dans beaucoup de régions. Les enfants nés pendant cet arc sont considérés comme destinés à la prospérité.

Arc d’Obares
Cet arc est celui de la fin de l’automne et des ultimes préparatifs avant l’hiver. Les tribus nomades retournent en hivernage avant le zénith d’Obares, surnommé Jour du repos. 

Arc de Hanud
Baptisé « arc des morts », c’est la période où l’on honore la mémoire des défunts et le seul moment de l’année où il est sage d’implorer les faveurs du Sorshef. Les Dorns, qui ont adopté de longue date le calendrier sarcoséen, tiennent leur principale cérémonie en l’honneur des ancêtres lors du zénith de Hanud, l’Appel des honneurs.

Arc de Hisha
Arc de l’hiver, c’est le cœur de la saison froide. Le zénith de Hisha coïncide avec le solstice d’hiver et est appelé Jour du soleil.

Arc de Sutara
C’est la période de l’année où règne le froid mordant qui précède la venue du printemps. Depuis la fin du Troisième Âge, les hivers semblent ne jamais vouloir finir, ce que l’on attribue bien sûr à la poigne de glace d’Izrador.