Le cœur de l’Erethor est une immense forêt que les elfes nomment Caraheen, soit « foyer verdoyant » en haut-elfe. Cet univers végétal est dominé par les arbres, certains ordinaires, d’autres d’essence magique. Très ancienne et dénuée du moindre sentier, cette forêt est un lieu où les elfes se plaisent, mais où les autres peuples redoutent de s’engager. Elle abonde pourtant en sites d’une splendeur à couper le souffle : prairies verdoyantes, vallons agréables, bosquets ombreux, ruisseaux tapageurs… mais aussi en lieux plus chargés de mystère comme ces futaies secrètes, fourrés impénétrables, gorges noyées dans la brume et autres marécages. On y est tour à tour frappé par la beauté et transi d’effroi, très à l’aise et pris de sueurs froides. Tel est le Cœur d’Erethor, le Grand Bois, Royaume sylvestre et domaine secret de la Reine-sorcière.
La partie nord de la Caraheen, qui mène aux collines montueuses de la Veradeen, est très accidentée. Parmi les essences les plus communes, on trouve de gigantesques épicéas parsemés, çà et là, d’épaisses futaies de trembles et de pins elfiques. D’innombrables ruisseaux s’écoulent au pied des hauteurs. Le cerf y abonde toute l’année ; l’élan et l’ebota sont nombreux dès que les premières neiges les poussent vers le sud. Terrain de chasse privilégié des loups sanguinaires, cette région a vu fleurir des dizaines de villages arboricoles, postes de guet, abris de chasse et comptoirs marchands.
Le cœur de la Caraheen est une forêt très ancienne presque inviolée, que ne coupent que les tranchées de l’Itheris, du Gamaril et de la Felthera. À l’ouest, le relief inégal est peuplé de chênes, de noyers et de frênes-écus. Le couvert se fait moins dense à mesure que l’on approche du littoral où ne pousse qu’une savane côtière ponctuée de boqueteaux. Cèdres et séquoias majestueux voisinent avec des arbres-foyers dans la partie orientale de la forêt, où les collines boisées se muent en plaine en lisière de l’Érenlande. La Caraheen centrale est le siège de la mythique cité arboricole de Caradul, où séjourne la cour de la Reinesorcière. Depuis des temps immémoriaux, cette ville est le cœur battant de la société elfe et le sommet culturel de toute l’Eredane. C’est ici le siège de l’histoire, de la magie et des sciences des elfes.
La Caraheen centrale est désormais le théâtre d’une bataille décisive contre les armées d’Izrador ; c’est dans cette forêt vénérable que se jouera le sort des peuples premiers du continent.
Au sud de la Caraheen, les hauts arbres laissent peu à peu la place à un terrain plat et marécageux planté de cyprès, de sycomores et de saules. Cette contrée s’étend vers le sud jusqu’à la jungle d’Aruun et, vers l’ouest, jusqu’à la mangrove côtière. Ces marigots sans la moindre piste sont un piège mortel pour peu qu’on les connaisse mal ou qu’on se montre imprudent. Ils sont peuplés de monstres, certains d’origine naturelle, d’autres démoniaques, et certaines légendes affirment qu’on y croise parfois les fantômes d’anciennes fées. Rares sont les elfes qui vivent ici ; ceux qui s’y risquent subiraient l’influence néfaste des esprits qui y rôdent depuis avant même les premiers elthedar.
Si les hivers sont rudes en Caraheen, surtout depuis l’avènement de l’Ombre du Nord, le printemps y est une saison agréable, où le renouveau végétal voit toutes sortes de fleurs éclore. Les étés sont ensoleillés et généreux même si, ces dernières années, il n’est pas rare que flotte un voile de cendres dû aux incendies déclenchés par les envahisseurs à la solde d’Izrador. L’automne semble s’éterniser, puis la tiédeur cède brusquement la place aux premiers frimas. Maints forestiers redoutent les effets à terme d’une sécheresse qui dure depuis plusieurs années déjà. Le coupable tout désigné est évidemment le dieu déchu, puisque cet assèchement est propice aux incendies allumés par ses séides.