Salut les jeunes ! C’est encore Narli. Narli Bervalier, pour vous servir. Vous buvez quoi ? Faudrait pas vous déshydrater pendant que je vous raconte ce qui s’est passé cette semaine dans notre beau bastion d’Eau-Vive.
Un de nos camarades, le courageux gnome Romjart, nous a demandé un coup de main. Il avait dégoté un job bien payé et dans nos cordes : le transport d’une cargaison depuis la crique des contrebandiers, à l’extérieur de la ville, jusqu’au manoir de la Famille Gros-Temps. Ces gnomes sont une des quatre plus importantes familles de la ville, et la rumeur leur prête des activités commerciales parfois éloignées du cadre légal.
Malins, on est partis avec Romjart pendant la nuit d’avant, histoire d’arriver les premiers et d’inspecter les lieux. J’étais pas chaud pour voyager de nuit, avec toutes les bestioles qui traînent dans la forêt. J’suis commerçant, moi, pas trappeur. J’veux dire, pas plus tard que la semaine dernière, y a Paonia Fleurdorage qu’est rentrée avec une oreille en moins, rapport à un ours qui s’est fâché contre elle. Mais bon, Rugo nous a assuré qu’il nous guiderait sans souci, et il avait raison, le bougre. Rugo ? Vous voyez pas ? Mais si, un grand orc, tout maigre. L’air de manger que des racines. Il serait résistant de père en fils, et effectivement sa tête me dit quelque chose. J’ai sûrement croisé son grand-père.
Bref, on arrive à la crique des contrebandiers, personne sur place, donc on se planque. Et à l’heure dite, trois barques arrivent. Un pilote chacune. Ou navigateur ? Comment qu’on dit ? Bon, y avait deux humains et un gnome. On s’est doutés que c’était risqué de les aborder, alors j’ai décidé de m’y coller, avec le vaillant Romjart. Le chef en face, c’était un jeune humain nommé Olvan. À peine la cinquantaine. On a papoté à mots couverts jusqu’à confirmer qu’on était bien ceux qu’ils attendaient. Et là, on a découvert la cargaison : deux petites caisses, on s’y attendait. Deux petits gamins halfelins, on s’y attendait moins. Un de chaque genre, avec les mains ligotées. Y a pas à dire, ça fait mal au cœur. Quand j’étais gamin, les halfelins pouvaient gambader en liberté dans les champs. Z’avaient de la bouse plein les pieds, mais au moins ils étaient heureux.
Bref, on allait repartir avec notre cargaison, quand nos gars planqués dans les fourrés ont entendu du monde arriver par l’ouest. Comment ça, on n’avait qu’un gars ? Ben non, de planqués, y avait Rugo et Obron. J’vous ai pas parlé d’Obron ? Mais si. Enfin, bon, c’est un Erenlandais, grand collectionneur de couteaux. D’ailleurs, il s’est faufilé et a glissé son couteau sous la gorge d’un des intrus. Ça lui a permis d’avoir quelques infos, genre qu’ils avaient vu les barques arriver et que lui et ses potes voulaient nous braquer. Bon bah il a braqué que dalle, parce qu’Obron l’a égorgé.
J’vous passe les échanges de coups de couteau, de cailloux et de flèches, j’suis commerçant, moi, pas barde. À la fin, y a qu’un brigand qui s’est enfui, et le gnome Hilkirt qui pissait le sang. Hilkirt ? Mais si, le gnome qui conduisait une barque. Bref, une flèche des brigands lui avait tranché une artère à l’aine. J’ai fait tout ce que j’ai pu, mais il a pas survécu. J’suis commerçant, moi, pas médecin. Comme je voulais qu’on reste en bons termes, avec Olvan et sa bande, j’me suis proposé pour décapiter le pauvre Hilkirt. Pas la peine de lui laisser le temps de revenir. J’aime pas bien les Forcenés.
Sur le chemin du retour, on a débattu du sort des halfelins. Edwin et Nilla, qu’ils s’appellent. Le groupe s’est rangé à la voix de la raison – la mienne – et a décidé qu’il fallait mener toute la cargaison à bon port, pour assoir notre réputation de contrebandiers fiables auprès de nos commanditaires. Quitte à lancer une expédition pour libérer les halfelins ensuite, s’ils s’avèrent qu’ils sont maltraités par la famille Gros-Temps.
Obron a sorti deux couteaux de ses fringues et les a offerts aux gamins, en leur expliquant de viser le foie ou la gorge si leurs maîtres étaient « pas chouettes ». On a traversé la ville sans encombre. Obron a joué les éclaireurs, et Rugo l’arrière-garde. J’aime pas bien avoir un orc sur mes arrières, mais faut avouer que ça impressionne drôlement.
Au manoir de la Famille Gros-Temps, on a été très très bien reçus. Le régent du manoir a payé sa tournée, dans un joli salon. Bon, Rugo avait l’air d’être installé dans une maison de poupées. Quelle idée d’être si grand ! Obron s’est baladé dans le manoir et a pu constater que les halfelins y étaient bien traités. C’est déjà ça. Et pour notre peine, on a récupéré 3 pièces d’or. Le début de la fortune !
