1. Journals

S42 - Le clan des Thunlakalaga

September 19, 2025

Avant que chacun n’aille regagner sa paillasse, Alfan fit un point avec ses compagnons pour leur expliquer ce qu’il savait sur les Thunlakalaga : il y a une grande méfiance entre les deux tribus goliaths. Elle n’a jamais tournée à la guerre ouverte, mais s’ils se croisent, ils se font souvent des crasses comme couper les cordages des traineaux. Selon le guerrier, ces cousins éloignés et reniés sont des hippies qui acceptent d’accueillir des étrangers sans trop se méfier et qui passent leur temps à des jeux futiles. Ils se ventent d’avoir terrassés un dragon, mais ça ne devait pas être une trop grande menace s’ils ont vraiment réussi cet exploit. Et toute façon, ça reste moins impressionnant que les griffons des Akannathi.

Le lendemain, la compagnie fut réveillée par un des goliaths pour les presser de partir. La journée fut longue, rude et froide. le climat montagnard ne pardonnait pas. Mais heureusement, leur guide connaissait bien les chemins par où passer et les grottes où se reposer. Il les mena sans encombre à une demi-journée de marche du camp des Thunlakalaga et expliqua à Ed Warm comment finir le trajet. Hélas, ses instructions n’étaient pas des plus clairs et ce n’est qu’en toute fin de la journée que le rôdeur vit enfin les lueurs du camp des goliaths.

Les Thunlakalaga étaient installés en pied de montagne, contrairement à leurs cousins t une vallée menait à leurs grottes. Sur la route, la compagnie manqua de trébucher sur d’impressionnant ossements. En y regardant mieux, ils virent le vieux squelette d’un dragon. Hélios voulu sauter dessus pour l’examiner, mais Alfan le retint d’une poigne ferme : pour les Thun (j’assume le diminutif !) il s’agissait d’une relique. S’ils voulaient commencer par une approche diplomatique de la situation, mieux valait ne pas la profaner.

En s’approchant du camp, les aventuriers entendirent des clameurs venir d’un plateau. Enialis voulu aller investiguer. Alfan décida de rester en arrière pour éviter tout incident à ce stade. Les quatre autres grimpèrent quelques marches grossières et découvrirent un étrange terrain rectangulaire, parcouru de blocs rocheux montant à 1.5 mètres de haut environ. Deux groupes de goliaths s’affrontaient pour le contrôle d’une balle en sautant de blocs en blocs. il s’agissait d’une partie de Goatball.

Les aventuriers furent très vites remarqués et salués chaleureusement par les goliaths. Enialis montra sont intérêt pour le jeu en cours et se fit aussitôt inviter à participer à une manche. L’invitation fut étendue à ses trois camarades : après tout, ça se jouait en équipes de 4. Les règles étaient simples : mettre la balle dans le camp adverse sans tomber au sol. Tous les coups étaient permis, sauf tuer. Après un pile ou face, la balle fut donnée aux goliaths.

L’action commença très vite alors qu’Enialis s’élançait déjà vers les goliaths. Ed Warm glissa d’emblée de sa pierre et fini au sol. Il fut rejoint par deux goliaths maladroits. Les deux autres se firent tirer dessus par les magies d’Hélios et Elise qui s’en servirent pour les déstabiliser. Le possesseur de la balle fini par chuter, pousser par Enialis. Le moine en profita pour récupérer la balle et l’envoyer à Hélios… qui l’envoya à Elise pour qu’elle marque dans leur camp. Malgré cette confusion, le match se fini quand l’Elfe jeta le dernier opposant au sol, profitant qu’il soit victime du sort d’immobilisation jeté par Elise.

Les goliaths prirent assez bien la défaite, malgré les méthodes particulières des aventuriers. Ils les invitèrent à rentrer se réchauffer. Arrivés dans la grotte principale, ils reconnurent Kapanuk, leur ami libéré des griffes des duergars. Il reconnu aussi les aventuriers et les accueilli à bras ouvert. Il se montra initialement ravi que le groupe se soit “débarrassé de l’autre goliath”, mais quand Enialis lui appris qu’Alfan attendait juste dehors par politesse, Kapanuk se montra tout confus. Il s’éloigna vers le fond de l’a grotte et s’approcha d’une vielle femme habillée d’un grand manteau blanc. Ils échangèrent quelques mots et elle le chassa d’un signe. En revenant, Kapanuk dit qu’Alfan pouvait rentrer, tant qu’il ne touchait à rien.

Pendant qu’Ed Warm allait chercher le guerrier, la vielle femme se releva et se présenta : il s’agissait d’Ogolai Fendeuse-d’Orc. Elle était marqué de nombreuses cicatrices et semblait d’un âge similaire à Arn. Ogolai remercia le groupe d’avoir sauvé Kapanuk. Si elle montra de la méfiance envers Alfan, elle offrit tout de même le gîte et le couvert à la compagnie. Cette dernière accepta de participer au repas du soir, voulant d’abord tisser une bonne relation avant d’aborder les sujets qui fâchent.

Le repas eu lieu dans une caverne adjacente et se déroula assez bien. Les goliaths reconnaissaient que l’hiver persistant était un problème pour tout le monde, même si l’idée d’une lutte unie contre Auril évoquée par Elise leur semblait un peu vague. La conversation tourna ensuite sur les jeux des Thunlakalaga qui pratiquaient aussi le tir à la corde. Ogolai évoqua aussi que leurs jeunes se livraient à un rituel de passation à l’âge adulte en affrontant leurs peurs. Une cérémonie devait d’ailleurs avoir lieu le soir même et les aventuriers étaient les bienvenus à y assister d’ailleurs.

Prenant un air ingénu, Elise revient sur le sujet du Goatball et d’éventuels matchs contre les Akannathi. Ogolai se montra plus réticente à en parler, mais fini par raconter sa version de l’histoire : lors d’un match entre leurs clans, c’est un griffon qui a attaqué l’un des Thun et qui est même revenu à la charge plus tard dans la nuit. Ils ont été obligés de le tuer pour se défendre. Elise sentit qu’Ogolai, si elle semblait croire à sa version, était émotionnellement trop attachée et investie pour en donner un récit neutre et objectif. Le groupe compris assez rapidement que le jeune Thun agressé n’était autre qu’Ogolai. Elle en gardait une rancune profonde contre ces sales piafs.

Visiblement dérangée par ces souvenirs, la cheffe partie se coucher. Ne voulant pas rater ne occasion de voler son manteau, hélios envoya Rapace la suivre et surveiller.

Les trois cadets du groupes (Enialis, Elise et Hélios) décidèrent d’aller jeter un coup d’œil au rituel de passage. En suivant les indications, ils arrivèrent à une grotte plus isolée. Un ancien goliath du nom de Demelok guidait trois jeunes pour qu’ils confectionnent des poupées à partir de brindilles. Il proposa aussitôt aux nouveaux venus de participer et de faire leurs propres effigies. Le trio se plia au jeu. Demelok expliqua que ces effigies représentaient les âmes des participants. En la tenant fermement, ils devraient passer par un trou, traverser et sortir par l’autre trou. Ce qui se passait entre les deux, c’était leur combat.

Après avoir confectionné une effigie avec des os, Hélios se lança le premier. Il ressortit de l’autre côté tremblant et en sueur. Un peu refroidi, Enialis suivi, encouragé par une bise d’Elise. Cependant, ce qu’il vit le terrifia et il du être ramené, tiré par les goliaths. Complètement terrifiée, Elise s’y lança à son tour… et ressortit presque aussitôt de l’autre côté en ayant à peine suée (mais disproportionnément affolée).

[Passage en version longue en bonus du résumé]

Si Enialis était triste d’être le seul à avoir échoué et qu’Hélios commençait à en tirer avantage, il pu se rassurer en voyant que seul un des trois goliaths parvint à passer l’épreuve.

Après ces événements, la troupe chercha un endroit pour passer la nuit. Au fil de leurs explorations des grottes, ils tombèrent sur un aarackocra blessé. Elise se précipita à son chevet pour l’ausculter. Il ne semblait pas avoir de blessures que sa magie ne pouvait pas guérir. En quelques secondes, elle le remit sur pied. La créature se présenta sous le nom de Sikki-kree. Il avait tenté de passer les frontières du Valbise et une tempête lui était tombé dessus, donc il était tombé sur les montagnes (erreur de débutant).

Les goliaths réveillèrent Ogolai pour lui apprendre la nouvelle et elle exprima sa reconnaissance aux aventuriers : ils (enfin elle) avaient soignés leur hôte et elle leur était redevable. Après une petite gène, Hélios brisa la glace et Elise enchaina sur les vrais raisons de la présence de la compagnie en ce lieu, expliquant toute l’histoire, le marché avec Arn et leur envie de régler pacifiquement cette affaire. Après de longs échanges, Ogolai estima qu’au mieux, elle pourrait accepter de rencontre Arn sur un terrain neutre entre les deux tribus. Elise soumis la proposition à l’Akannathi avec sa magie qui accepta.

La rencontre fut fixée à deux jours plus tard. Enialis en profita pour discuter avec Demelok de l’affaire, mais l’ancien ne se souvenait plus très bien de la scène. Il y avait eu une dispute entre deux jeunes filles et un griffon s’en est mêlé.

La compagnie accompagna Ogolai au point de rencontre. Arn était présente, et les deux tribus avaient bien amené une vingtaine de guerriers chacune. Ed Warm prit les choses en main et convainquit les deux cheffes de se rencontrer en tête à tête, avec aucuns de leurs guerriers autour. Seule la compagnie onirique serait présente pour arrêter toute agression possible. Il dut user de toute sa diplomatie, mais finalement, les deux cheffes se firent face à face. De leurs premiers échanges froids, il devint clairs qu’ils s’agissait des deux enfants qui s’était disputés et que le griffon mort appartenait à Arn.

Aidé par Kaniaka qui s’était faufilée vers lui, Ed Warm intervint de nouveau pour tenter de convaincre les deux femmes que ces choses étaient passés et que l’avenir était plus important. Son discours toucha Ogolai qui accepta de faire un geste envers Arn. S’en suivi une longue conversation entre les deux. Chacune reconnaissant des torts partagés, ou des zones de flous dans cette affaire, mais surtout, que leurs tribus n’avaient pas à en payer les conséquences avec une hostilité croissante. Elles acceptèrent d’arrêter de couper les liens des traineaux de l’autre clan par exemple. Ou de se retrouver de nouveau pour continuer le dialogue. Elise émit l’hypothèse qu’ils puissent reprendre des matchs de Goatball… et que les Rheged puissent servirent d’arbitre. D’un même cœur, les deux femmes s’offusquèrent. Des Rheged ? Ca jamais !

C’est sur une note beaucoup plus légère qu’Arn et Ogolai se séparèrent et rassemblèrent leurs troupes pour rentrer. La compagnie suivi cette fois-ci les Akannathi jusqu’à rentrer à leurs camps. Arn ne les remercia jamais directement de leur intervention, mais elle accepta de leur prêter 4 griffons pour leur mission. Dotés de ces nouvelles montures, les portes vers l’île d’Auril leur étaient à présent ouvertes.

Le passage

Enialis regarda sans dire un mot Hélios s’éloigner. Le teint blafard de l’enfant, son expression de terreur, le tremblement dans sa voix… Qu’avait-il bien pu voir ou vivre là dedans ? Et qu’est-ce qui allait l’attendre ? L’Elfe déglutit, craignant le pire et se tourna vers Elise. Elle non plus n’en menait pas large et ses mains serraient avec vigueur sa petite poupée. Il hésita à lui dire d’arrêter, pour qu’elle n’abime pas sa jolie création, bien plus belle que celle qu’il avait réussi à fabriquer maladroitement de son côté.

-Ne t’en fais pas, je suis sûr que ça va bien se passer, s’entendit-il lui dire pour la rassurer.

Comme surprise, Elise releva les yeux vers lui.

-Tu… tu penses que ça vaut vraiment le coup ? On a vraiment besoin de ça pour être adulte ? Et je sais pas si je suis vraiment prête…

-Allons, la coupa Enialis, maintenant qu’Hélios est passé, on a intérêt à le faire aussi. Sinon on risque de l’entendre pendant très longtemps ! Et ce sera encore plus difficile de le canaliser. Juste pour ça, tu ne penses pas que ça en vaille la peine ?

Elise pouffa et un sourire remplaça sa terreur.

-C’est vrai. Il ne manquerait plus qu’il se mette à nous donner des ordres. Ca sonne encore plus terrifiant que ces trous !

Soulagé de l’avoir déridé, Enialis se tourna vers Demelok et d’un signe de tête lui fit comprendre qu’il allait succéder à Hélios. Malgré ce qu’il avait dit à Elise, il sentait ses entrailles se nouer, comme la corde à sa taille. Fin prêt, sa poupée à la main, il se tourna vers la petite faille dans la motte de terre et prit une grande inspiration.

-Juste avant ! s’exclama Elise en s’approchant à son côté. Pour te porter chance !

Avant qu’il ne puisse répondre, la clerc se hissa sur la pointe des pieds pour poser un baiser sur sa joue. Elle se recula avant qu’il ne puisse faire un geste ou lui répondre. Il ne lui adressa qu’un regard hébété. Sans qu’il ne s’en rende compte, ses pieds le portèrent vers le premier trou. Son cœur battait la chamade. Était-ce la crainte de ce qui l’y attendait ? Ou à cause d’Elise ? Pour l’instant, il ne saurait le dire. Mais il écarta cette pensée et se pencha.

L’intérieur du tunnel était assez étroit, mais lissé et creusé par le passage de nombreux goliaths bien plus massifs que le moine et il n’eut aucun problème à commencer à ramper. Un bras après l’autre, encore et encore. Répétant les mêmes gestes. Pendant de longues minutes. Mais ce tunnel ne pouvait pas être si long ! Il jeta un œil en arrière et vit une faible lumière loin, très loin. Il semblait bien avancer.

En se retournant à nouveau, il fut prit d’un haut le cœur. Devant lui s’étendait à présent un paysage blanc, à perte de vue. Le vent lui fouettait le dos et hurlait à ses oreilles. La neige immaculée l’entourait et recouvrait ses membres. Seule une gerbe de sang tachait le paysage. Un goût métallique envahit la bouche d’Enialis. Tremblant de froid comme de peur, il se recroquevilla et se releva. Son cœur manqua un battement. Ils étaient là. Ses parents. Gisant dans des flaques vermillons. Uniques couleurs dans ce désert, lentement recouvert par un voile blanc.

Continu d’avancer, murmura une petite voix à l’oreille du moine. Avancer ? Mais ou ? Il regarda à droite et à gauche, ne voyant rien d’autre que le blizzard. Surmontant le chagrin qui lui serrait les entrailles, il se décida à faire un pas, peu importe la direction, puis un autre. Il reprit sa route, se protégeant le visage du vent avec ses mains frêles. Le froid le mordait, plus cruel qu’il ne l’avait jamais sentit. C’est à bout de souffle et de force qu’il la vit.

Une silhouette massive, plus haute que le plus grand des Yétis, plus menaçante que le dragon, les griffes plus mordantes que le froid. Auril. Elle lui fit face et le dévisagea. La peur le paralysa. Il ne pouvait plus bouger, ni pour fuir, ni même pour respirer. L’être le regarda droit dans les yeux. Puis sa tête se tourna de côte. Suivant son mouvement, le moine vit Elise. Frêle, fragile, frigorifiée. La jeune clerc peinait et trébuchait. Malgré le vent hurlant, il l’entendit crier son nom. Il voulu lui répondre, lui dire de fuir, de courir le plus loin possible. Mais sa gorge refusait de répondre, tout comme le moindre de ses muscles.

Impuissant, il vit Auril bondir. Une ombre dans la tempête, vive comme un chat sautant sur sa proie. Une nouvelle gerbe écarlate vint tacher la neige.


Elise recula en sursaut alors qu’Enialis se relevait en poussant un grand cri d’effroi. Les yeux fous, il regarda tout autour de lui.

-Tout va bien Enialis, le rassura la clerc. C’est fini, je suis là. Tu es en sécurité.

Qu’est-ce que tu as bien pu voir là dedans ? se retint-elle de demander. En l’entendant, le moine sembla se calmer et se détendre. Il reprit son souffle pendant de longues secondes avant de murmurer :

-C’est fini. C’était juste un cauchemar. Est-ce que, marmonna-t-il en se redressant sur ses bras, est-ce que je suis passé ?

Elise ne put retenir sa moue gênée.

-J… je suis désolé. Quand tu es entré là dedans… on a attendu. Le plus possible. J’avais demandé à Demelok de te laisser plus de temps, mais… ils ont du te ramener en te tirant par la corde.

-Je vois... merci de ne pas m'avoir laisser là dedans.

Devant son expression triste, Elise ne pu s’empêcher de poser sa main sur son bras, pour tenter de le rassurer, ou au moins afficher son soutient. Si son expression ne changea pas, il posa sa propre main sur la sienne. Ils restèrent en silence quelques instants, avec cette question en suspend qu'aucun n'osait aborder.

-Si vous voulez toujours entreprendre le rite… les interrompit Demelok, la corde pour attacher Elise entre les mains.

Cette dernière sentit son cœur s’emballer. Si Enialis n’avait pas réussi, avait-elle vraiment une chance ? Ses yeux passèrent à toute vitesse de l’ancien au moine. Celui-ci lui adressa un sourire rassurant et l’enjoint à poursuivre d’un hochement de tête. Tremblante, Elise se releva et laissa Demelok la préparer. Elle entendit quelques ricanements venir des trois jeunes goliaths. Elle tacha de les ignorer. Si vous croyez que j’ai besoin de vous pour douter…

Se retournant une dernier fois pour échanger un ultime regard avec Enialis, elle fini par franchir l’ouverture et entrer dans ce tunnel effroyable. Elle progressa en rampant de longues minutes, redoutant ce qui l’attendait. Ca allait venir, il n’y avait aucun doute à avoir. A chaque pas, chaque contact de sa main avec le sol, elle s’attendait à ce qu’il se dérobe, que la terre s’ouvre et l’avale. Le vide et la chute l’attendait. Ce n’était qu’une question de seconde. A tout moment la pierre rassurante allait disparaitre. Elle n’osait pas regarder. Fermant les yeux et grinçant des dents elle avançait. Elle avançait et attendait l’inéluctable.

La chute ne vint pas. A la place, elle entendit des voix. Des voix bien trop familières. Elle rouvrit les yeux et vit ses compagnons, loin devant elle. Ils lui tournaient le dos et s’éloignaient, riant et parlant avec insouciance. Le tunnel s’était élargis, assez pour qu’Elise puisse se relever.

-Hé ! cria-t-elle. Qu'est-ce que vous faites là ? Attendez moi ! J’arrive !

Pas de réaction. Soient ils ne l’entendaient pas, soit ils l’ignoraient. Non, ne partez pas ! Ignorant ses muscles fatigués et douloureux, elle s’élança dans leurs traces, courant de toutes ses forces à en perdre haleine. J’arrive ! Des pierres glissèrent dans ses bottes. Chaque pas commença à la faire grimacer. Je suis là, ne m’ignorez pas ! Elle courrait et les minutes passaient. Mais toujours, ses camarades s’éloignaient et l'ignoraient. Ne m’abandonnez pas… Les cuisses et les poumons en feu, elle serra des dents pour accélérer la cadence. Je peux vous aider, vous être utiles…

Ses pas devinrent de plus en plus maladroit et elle manqua de trébucher. Elle voulu se retenir au mur, mais il n’y avait plus de murs. Perdant l’équilibre, elle s’écrasa contre le sol. En relevant la tête et crachant un peu de poussière, elle eut un vif mouvement de recule. Le vide. Il était là, juste devant elle, à l’attendre. Elle regarda à droite et à gauche. Elle se trouvait sur un pont de pierre. De part et d’autre, il n’y avait que du vide. Partout. Tout autour. Il l’appelait. Elle se recroquevilla sur elle même, figée.

Ils vont partir. Me laisser tomber. Elle redressa la tête. Ses compagnons continuaient de s’éloigner vers l’autre bout du pont. Paniquée, elle voulu se relever. Un malaise la prit et sa vision se brouilla. Le pont, il semblait plus étroit. Inutile. Je n’y arriverais pas. Ses entrailles se tordaient. Que faire ? Ses muscles refusaient de bouger. Sa vue se troublait à mesure que les larmes montaient. Elle ne parvenait plus qu’à distinguer les silhouettes de ses amis au loin. Si seulement elle pouvait se rapprocher un tout petit peu. Inutile. Ils m’auraient attendus si je comptais. Et le vide. Qui était partout, qui l’attendait, qui lui tendait les bras. Qui lui seul pouvait la comprendre. Inutile. Je suis inutile.

“Moi aussi je me sens à ma place avec toi”. Ce souvenir lui fit l’effet d’une claque. Ces mots d’Enialis, prononcés innocemment il y a plusieurs semaines déjà résonnaient à présent à ses oreilles comme si elle les entendait pour la première fois. Tous ses remerciements, ses sourires, ses encouragements… Ces paroles remontaient et refaisaient surface, accompagnés d’autres souvenirs. Plus petits et innocents, avec tous ses compagnons. Une main tendue d’Hélios, un conseil d’Ed Warm, une plaisanterie d’Alfan… Sans qu’elle s’en rende compte, son corps s’était élancé. Elle courrait, ignorant ses douleurs et la fatigue. Elle souriait, surmontant ses doutes et la peur. Elle espérait, abandonnant ce vide derrière elle, cas d’autres étaient venus le combler.