Récit de la main d’Amy Verrier, Juré des patrouilleurs d’Emeraude, écrit le 13 de Numismate de l’an 924.
Nous sommes partis vers l’Ouest au petit matin du 10 de Numismate de l’an 924, laissant derrière nous La Marcaderie, le Promontoire de Hrölf et nos compagnons. Etendard au vent, nous étions prêts à annoncer le retour de la Patrouille sur ces terres.
La route que nous avons empruntée est ancienne, mais bien entretenue. Vestige de l’Empire d’antan, ses pavés de pierre grise tranchent dans les hautes herbes, tel un serpent qui se réchauffe lentement au soleil. Le paysage est plat, et les murets qui séparent les parcelles des fermes ne parviennent pas à stopper le vent humide et glacial qui souffle en continu.
Pour notre plus grand malheur, la brume du petit matin s’est rapidement épaissie, nous empêchant de profiter pleinement du paysage. Seul le son, et les odeurs, nous permettaient de percevoir notre environnement.
C’est à ce moment que nous les avons entendus. Les croassements des corbeaux, et un cliquetis métallique, très régulier.
Le bruit venait de devant nous, et a été suivi par une odeur de brûlé, portée par le vent. Cela nous a naturellement rappelé les rumeurs entendues au Promontoire : un Dragon vivrait à Noir-bois. Heureusement, Okoth nous a rapporté qu'Avok, qui a pourtant vécu plusieurs semaines dans la localité, n’a jamais vu de dragon. Il reste bien d’autres possibilités de péril dans cette île inconnue, et nous sommes restés sur nos gardes.
Nous nous sommes arrêtés et avons fini par discerner un cheval se rapprochant de nous le long de la route. La pauvre bête terrifiée traînait son cavalier derrière elle, un pied coincé dans l’étrier. Le bruit du casque sur les pavés produisait le bruit que nous avions entendu, et les corbeaux volaient en cercle au-dessus de lui.
Nous nous sommes approchés tandis que Spurius surveillait les environs, pour nous permettre d’éviter de partager le sort du pauvre homme. Cain a rapidement calmé l’animal, et Okoth s’est penché sur le cavalier.
L’homme était visiblement aux bords de la mort. Son armure enfoncée dans son corps et sa gorge broyée ne laissaient aucun doute : nous ne pouvions rien faire pour l’aider. Okoth l’a apaisé dans ses derniers instants et Cain a abrégé ses souffrances. Il portait un pendentif du dieu Cavalier la Souche et un tabard déchiré, mais aucun autre signe de son identité. Okoth a utilisé sa magie pour en apprendre plus sur lui. Son nom était Bardet Rival, Sergent de la Famille Croc-d'Argent. Qu’il repose en paix.
Nous avons décidé de rebrousser chemin pour ramener son corps et son cheval à la Marcaderie, qui n’était qu’à une heure de route. Ses camarades souhaiteront certainement apprendre son sort au plus vite, et lui accorder les derniers rites.
En poussant plus loin vers l’Ouest, nous avons trouvé le point par lequel le cheval a rejoint la route (1). Nous n’avons pas suivi la piste : la journée était déjà bien avancée, et si nous souhaitions arriver à Noir-Bois avant la nuit, nous ne pouvions pas nous permettre d’autres détours.
La brume s’était levée, ce qui nous a permis de voir l’évolution du paysage. Au fur et à mesure de notre éloignement du promontoire, les petits murets délimitant les champs étaient remplacés par de hautes palissades de bois. Certaines fermes donnaient mêmes l’impression d’être fortifiées.
Peu avant notre arrivée à Noir-Bois, nous avons croisé trois hommes. Ils se sont présentés comme Tranquille Cabras, Asildius et Emérine Wyns, des chasseurs de prime. Ils étaient à la poursuite d’une jeune femme en tenue légère. Une « femme de maison » de Noir-Bois, qu’il ne nous a pas été difficile d’identifier comme une esclave. Nous n’avons pas eu à leur mentir : nous n’avions croisé personne correspondant à cette description.
Tranquille, très bavard, a volontiers répondu à nos questions sur le Fort de l'Aigle, où ils étaient passés la semaine précédente (2). Il nous a également parlé de Noir-bois (3), et nous a vanté l’alcool de Pomme-Chenille (4), la spécialité de la ville. Les compagnons de Tranquille ont fini par le convaincre de reprendre la route, ce qui nous a permis d’arriver à Noir-Bois peu après la tombée de la nuit.
Okoth nous a menés à l’auberge « L'Ours et le Hibou » (5) où il avait séjourné lors de son précédent voyage. L’aubergiste est Saliure Felvert, qui nous a aimablement offert le gîte et le couvert. Nous avons appris que la fête des braises annuelle (la fête du village pour célébrer la venue de l’été), aurait lieu deux semaines plus tard.
Après avoir parlé à quelques habitants (6), nous avons décidé de rebrousser chemin et de rentrer à la Marcaderie. Le voyage du retour a été à nouveau venteux et brumeux, mais s’est déroulé sans incident notable.