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Garou - 13.2 - Le chant des Siphis

March 29, 1999
Le Chant des Siphis 

 
29 mars 1999 

 
Dans le noir du sous sol de leur nouvelle maison, l'esprit de Nimic  vagabondait ........revenant sur les traces de son passé...... 

 
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La nuit avait été longue et pénible pour Nimic. Une de celles qui était difficile et douloureuse. On pourrait même dire d'une brutalité sans précédent. Piteusement allongé sur le sol crasseux et inconfortable du sous sol de la grande maison familiale, non loin de Las Vegas dans le Nevada. il revenait progressivement à lui, tandis que les premiers rayons du soleil venaient lécher son corps recroquevillé, à travers les petites grilles d'aération, seuls accès vers l'extérieur de la pièce. Le méthis se remémorait avec difficulté les événements des heures précédentes, gisant sur le sol, tremblant comme une feuille et sanglotant en silence......il se repassait la scène.... Celle sur laquelle il n'avait eu aucun contrôle... Les bruits de l'arène, les ordres de Sombre Poigne, les coups reçus...Tout cela l'avait en effet obligé à révéler son côté le plus sombre devant cette assemblée venu regarder le Monstre : Nimic. Leurs regards ahuris et leurs expressions horrifiés par son angoissante forme crinos avec ses yeux de ténèbres et son corps bardé de cicatrices, lui revinrent alors en tête. C'était là, la créature en laquelle il avait été changé après de nombreux combats organisés par son père Sombre Poigne, pour glorifier sa puissance; ou bien était ce pour le voir souffrir ? Ce qui était sûr, c'est que les défis étaient de plus en plus durs et que malgré sa promesse faite à sa mère de ne jamais tuer Nimic, Sombre Poigne jouait avec la vie du méthis comme un chat s'amuse d'une souris avant certainement un jour de lui trancher la tête. 

 
Intérieurement, Nimic maudissait son existence. Comment aurait-il pu en être autrement ? Raillé , humilié, méprisé, par le seul fait d'exister, il avait mis le déshonneur sur les siens, c'est en tout cas ce qu'on lui répétait sans cesse....... Et alors qu'il se relevait en s'appuyant sur le mur, une soudaine migraine le fit vaciller de plus belle. De nouvelles images. Scènes violentes endurées par la bête qu'il avait été au tard , hier soir, lui vrillèrent l'esprit. Il avait d'abord été attaqué par un horde de  grand chiens noirs ; puis Sombre Poigne lui avait jeté une pierre sur le crâne en l'humiliant devant la foule amusée et, enfin, il avait du affronter un des siens, un autre Seigneur de l'ombre de la meute qui avait certainement déçu son père. Il ne lui en fallut pas plus pour deviner d'où lui venaient ces maux qui l’engourdissaient. La nuit avait été rude... Très rude. Et la culpabilité le rongeait, désormais.....survivre ou tuer, telle avait été son seul choix.....c'était lui ou son adversaire et hier soir encore Nimic l'avait emporté, mais il n'en tirait aucune fierté. 
  

 
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Frottant ses yeux larmoyants de sa main sale, il se hâta alors de rejoindre son vieux lit non sans tituber, encore affaibli par cette lutte sauvage qui l'avait opposé à son frère loup, le dénommé Petrov. Ainsi, chemin faisant, il ne cessa de se remémorer avec dégoût les instants dangereux qu'il avait passé sous sa forme bestiale. Il leva ses yeux peinés au plafond et constata que la lumière vacillante de l'ampoule faisait bouger les ombres de la pièce qui grandissait en ce moment même et grignotait les murs... peut-être avaient-elles été témoins elles aussi de sa folie animale......elles ses amies. Des témoins... il y en avait eu beaucoup trop en cette seule nuit et ils avaient failli y passer. Il se mit alors à espérer que Petrov avait survécu à ce duel fratricide ! Il avait encore le gout de son sang dans la bouche. 

 
Sa mémoire lui apporta au compte-goutte quelques éléments de réponse. Il revit – avec une très faible gêne – le visage fier de Petrov lui criant « Alors le monstre, prêt pour ton dernier combat !  ». Puis Nimic grimaça comme s'il recevait encore les gouttes de sang qui avait giclé en jeyser sur son visage en se remémorant comment il lui avait déchiré la gorge après un âpre combat. Puis un coup de griffes brutal..... d'une telle force... d'une telle rage ....... que cela le fit frémir en le revoyant de ses yeux sombres. C'était monstrueux !  Il était devenu ce que tous attendait de lui ..... Le Monstre ténébreux. 

 
Quand il reprit ses esprits, Nimic constata que les ombres avaient presque envahi totalement le sous-sol. Ce fut alors que des volutes sombres au sol attirèrent son attention. Elles étaient celles de ses amies. On aurait dit presque sa gnose lorsqu'il était en Umbra ! Il se tourna sur son lit et s’aperçut que des pas se dirigeaient tout droit vers lui...des pas invisibles formant des traces sur le sol....puis, il aperçut une silhouette se former à côté de lui. 
Elle avait la forme d'une adolescente mince et élancée, dont le corps nu était fait de ténèbres et ses cheveux d'une noirceur insondable voletaient par moments comme s'ils se mouvaient dans un liquide invisible, ses grands yeux blancs comme des linceuls fixaient Nimic pleine de compassion et d'une main hésitante posa sa main d'ombres sur sa joue.  

 
Nimic  scruta ensuite le sol, un sorte de liquide noirâtre avait envahi les lieux jusqu'au pied de son lit et des herbes blanches spectrales avaient poussé, des herbes dans lesquelles d'autres formes comme l'ombre près de lui  se cachaient, scrutant  la scène, comme trop timorée pour s'approcher. Ces formes, c'étaient des Siphis, des ombres de solitude qui avait été attiré par l'isolement profond de Nimic et qui lui apportait en cet instant précis une présence réconfortante. 

 
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Leurs murmures apaisaient Nimic qui se blotissait désormais contre celle qui s'était mise en avant, comme un enfant serre son doudou quand il a peur du noir... son esprit tourmenté revint à la charge et continua de le torturer mais le chant de la Siphi le calma un peu ... Puis  le soulagea grandement ... Sans ses présences fantomatiques, l'esprit de Nimic n'aurait certainement jamais survécu.....Reprenant ses esprits, il lui chuchota... 

 
"-Siphi, je..." 

 
L'ombre s'approcha un peu plus et murmura, elle aussi, comme un souffle indicible,  des mots dans une langue inconnue que Nimic avait appris à comprendre. 

 
"-Une nuit difficile, Nimic. Nous n'en doutons pas. Prend ma main, cela te fera le plus grand bien !" 

 
Nimic hésita avant de continuer : "-Ailes Noires, Sombre poigne...Ils me haïssent tous" 

 
« Je sais Nimic, n'écoute pas leurs chants discordants, écoute nos voix dans les ténèbres. Elles vibrent à l'unisson avec la tienne, toi , notre frère.»  
"-Et Sombre Poigne est ce qu'il sait ....pour vous ?" demanda Nimic 

 
"-Nimic...On pense qu'il se doute de quelque chose. Cependant il ne connait pas notre secret, il ne soupçonne pas nos entrevues occultes " 
 Ce secret que Siphi désignait, Nimic, n'en avait parler à personne. Il ne faisait nul doute que si Sombre poigne l'apprenait, Nimic devrait en payer le prix et serait la cible de nouveaux tourments. Ou bien était ce la folie qui l'emmenait doucement vers ses rivages brumeux ? Est ce que ses visions n'étaient tout simplement pas le fruit de son esprit malade qui cherche un peu de réconfort ? 

 
Nimic se gratta la tempe puis un éclair de vivacité anima soudainement son regard , ses grands yeux ténébreux s'ouvrirent un peu plus. 

 
"-Oh j'allais oublier...mes chères amies....j'ai fait la connaissance d'un nouvel ami et il pense pouvoir m'aider à m'échapper d'ici." 

 
La siphi fit un signe de tête  vers Nimic, le visage attristé." -Nous pensons que ta place est désormais loin de ce lieu et nous remercions cette  personne qui peut t' aider à partir. Quant à nous, nous allons te regretter mon frère et nous retournerons à notre solitude comme nous l'avons toujours fait car telle est notre nature. Ton temps est compté ici bas et approche à sa fin, nous l'avons senti dans les ténèbres qui t'entoure, c'est comme un murmure qui devient assourdissant. Merci mon frère d'avoir briser pour un temps notre solitude,  nous aurons bien du mal à t'oublier mon frère mais un jour le temps fera hélas l'affaire..." 

 
Puis, elle s'éloigna, en adressant un dernier adieu d'un geste lent et mélancolique de la main vers Nimic, qui, de son côté, regarda son amie s'évaporer pour la dernière fois sous ses yeux inquiets et perdus. Il fut frappé de surprise et de questions quand il y vit écrit en gros caractères : "Falka" et un dernier murmure....Suit cette jeune femme loup, elle te montrera la voie, ne nous oublie pas mon frère ! »