Évitant la course affolée des soldats du clan de la Grue qui courraient se mettre en position sur les remparts, Yume avançait d’un pas déterminé dans les couloirs du Kosaten Shiro. Le visage fermée et la main serrée sur son naginata, elle voulait en finir vite avant d’aller rejoindre Shin. Elle ouvrit d’un coup sec le shoji menant à la chambre de Mirumoto Narumi. La duelliste adressa un regard interrogateur à la nouvelle venue.
—Tu veux prouvez que tu es la meilleure guerrière ici ? l’interpella Yume d’un ton sec. La forteresse est attaquée par le clan du Lion. Prends ton arme et va les aider, tu auras peut-être une chance de te racheter ainsi.
—Oh ? Il y a une personne en particulier à provoquer en duel ? répliqua la prisonnière avec un sourire en coin. Voyez-vous, les batailles, ce n’est pas mon truc et je ne voudrais pas bêtement mourir seul contre quatre assaillant. Et puis, qui sait ? Si le Lion gagne, il me laissera peut-être sortir d’ici sans le moindre procès ?
La Shiba pesta dans sa barbe.
—Comme je m’en doutais donc. Les duellistes sont donc tous aussi lâches. Fuyant tous les vrais combats pour s’adonner à un simple sport et jouant à la guerre tant que c’est sans conséquences. C’est méprisable.
Le visage de Narumi paru se crisper une seconde sous les insultes, mais elle tient le regard brûlant de la Phénix et resta assise au milieu de sa chambre. Déçue d’avoir perdue du temps si précieux, Yume tourna les talons quand la voix de la Mirumoto l’interpella dans son dos une dernière fois.
—Vous savez, ce n’est peut-être pas tant une duelliste qu’il vous faut pour cette bataille qu’un archer de talent. Et merci tout de même de m’avoir tenu au courant de la situation.
Sans répondre, la jeune femme poursuivit sa route. D’un pas rapide, elle s’éloigna et rejoignit Shin devant les portes de la forteresse. La voyant revenir seule, le shugenja compris qu’elle n’avait pas réussie à rallier Narumi à leur combat. C’est donc à deux qu’ils quittèrent l’enceinte de la forteresse pour rejoindre le village en contre-bas.
***
Jotaro porta un dernier coup de pinceau puis recula pour embrasser du regard sa dernière peinture. Il eut un sourire satisfait. Cette fois-ci, il avait fait du bon travail ! Cette représentation du Kosaten Shiro dans toute sa splendeur était tout simplement magistrale ! Il n’avait plus qu’à rajouter un dernier petit coup ici et… Il sursauta quand sa servante Shizuka claqua la porte de sa chambre, criant que le clan du Lion était attaquait ! Déjà, des ronins s’étaient infiltrés dans le village et commençait à se battre avec des patrouilles dans les rues ! Sans lui laisser le temps de comprendre la situation, elle le pressa : que faire ? Ou aller ? Pouvaient-ils se cacher ici ou fallait-il courir à la forteresse tant qu’il était temps ?
Surpris, mais tachant de garder son sang froid, l’artiste déposa son pinceaux. Ses compagnons samouraïs étant tous au château, il se dit qu’il valait mieux les rejoindre. Il n’y avait plus personne pour le protéger s’il restait ici de toute façon ! Avec les derniers serviteurs de la délégation du phénix qui étaient restés, ils rassemblèrent les affaires de valeur et prirent la route vers le Kosaten. A l’extérieur, la panique avait gagner les rues. Une foule courrait en désordres vers les protections de la citadelle et les quelques bushis et ashiragrus restés en contrebas ne parvenaient pas à garder le moindre semblant d’organisations. Des silhouettes menaçantes glissaient le long des murs, se faufilant entre les ombres et se mêlant aux foules.
Jotaro avança en jetant des coup d’yeux inquiets autour de lui. Personne ne semblait vouloir l’attaquer lui ou les serviteurs du phénix, mais les menaces planaient tout autour. Soudain, il aperçu deux silhouettes familières qui se dirigeaient à contre-courant : Shin et Yume ! Enfin il pourrait avoir une explication !
***
Au plein milieu du camp du clan du Lion, Tatsuo et Asakura s’étaient écartés du centre de commandement. Visiblement, aucune discussion avec Matsu Shigeru n’était plus possible. Ils devaient donc décider de la suite de leurs actions. Le premier réflexe de l’inquisiteur fut de chercher un moyen d’informer les autres phénix de l’échec des négociations. Tatsuo mentionna que le commandant des Lions devait être sous une influence quelconque. Peut-être à cause d’un change forme comme ceux dont avaient parler Togaro ?
Asakura approuva, mais comment faire parvenir ce message ? Il fallait un serviteur de confiance. Ses yeux se posèrent sur son chien Inu et le serviteur dédié à son animal, Bo. Oui, il n’y avait qu’en lui qu’il pouvait faire confiance ! Il se saisit aussitôt d’un petit bout de papier où il écrivit quelques informations et le roula.
—Bo, approche, ordonna-t-il. J’ai une mission très importante à te confier. Si tu la réussi, je pourrais même revoir ta position.
—Mon seigneur, c’est trop d’honneur. Quels sont vos ordres ? répondit le serviteur en s’inclinant.
Asakura prit son chien sur les genoux et lui attacha le message autour du coup.
—Inu doit livrer un message très important à Isawa Shin. Porte-le et escorte-le jusqu’au Kosaten Shiro. Lui seul peut y arriver. Assure-toi qu’il ne lui arrive rien, laisse-toi fouiller s’il le faut. Compris ? Et revient dès que c’est fait.
Un peu surpris, Bo hocha de la tête et assura qu’il obéirait. Quand Asakura eut fini de faire ses adieux à son précieux et adorable compagnon, le serviteur prit l’animal dans ses bras et se précipita en direction de la forteresse.
—Allez Inu, je crois en toi, murmura l’inquisiteur en le voyant disparaître entre les tentes du campement.
***
Jotaro rejoignit ses deux compagnons au seuil du village. Ceux-ci furent partagés entre le soulagement de le voir encore en vie, et la surprise qu’il soit encore au milieu de cette zone de guerre. Comme Shin devait garder toute sa concentration sur la cloche et les kamis du feu, Yume se chargea d’expliquer la situation à son parent. Le visage de l’artiste blêmit à la mention des hwachas en poste face à la citadelle.
Pendant ces explications, des étincelles s’envolèrent dans la nuit, brillantes comme des petites étoiles, et une odeur de cendres gagna les phénix. Plus loin, à l’orée du village, des départs de feu se multipliaient entre les bâtisses. Les soldats de la Grue crièrent quelques ordres et se séparèrent tandis que les derniers réfugiés se précipitaient vers les hauteurs.
Cependant, Shin resta impassible. Les deux mains contre la cloche, fermant les yeux à son environnement, il se concentrait pour garder la communion avec les kamis du feu. Ceux-ci s’en donnaient à cœur joie. Ils pouvaient sauter de toit en toit, se nourrir, consumer, dévorer, absorber, croître sans limite ! Ils n’avaient plus besoin de l’Isawa pour cela ! Pas besoin de lui obéir ?
—Alors c’est tout ? Vous vous contenterez de ces brindilles ? leur murmura Shin. Ce ne sont que des amuses gueules pour enfants ces flammèches. Je vous promets bien plus ! Un festin véritablement à votre hauteur, un feu dont on parlera encore dans plusieurs générations, si, et uniquement si, vous acceptez de me servir.
En rouvrant les yeux, le shugenja sourit. Les kamis acceptaient son offre. A présent, il devait trouver un terrain propice au déferlement des flammes. Avançant dans le village en ignorant le chaos qui l’embrasait, il vit ce qu’il désirait : une immense forêt sur la rive opposée de la baie. Il en informa sa yojimbo. Ils devaient se rapprocher de l’autre côté. La guerrière conclu qu’ils pouvaient prendre un bateau et s’avancer sur le lac. Mais avant, elle se retourna vers Jotaro : Shin avait une mission pour sauver la citadelle et elle devait le suivre et le protéger. L’artiste était à présent le seul à pouvoir rejoindre Nutsume pour surveiller Rekai, la guerrière mythique. Jotaro accepta la mission et tourna les talons pour regagner la citadelle.
Alors que le duo s’avançait vers les docks, un homme sortit des flammes et de la fumée. Il portait la tenue des serviteurs d’Asakura et tenait le chien de celui-ci entre ses bras. Yume récupéra l’animal et vit le message accroché à son collier. Asakura les informait de l’échec des négociations et que le chef du Lion semblait être manipulé. Conseillant au serviteur d’aller se réfugier au Kosaten, la yojimbo informa le shugenja de la nouvelle. La bataille semblait inévitable, autant qu’ils aillent au bout de leur plan à présent. Elle apprêta une embarcation. Shin s’y installa tant bien quel mal, les mains toujours sur la cloche et intimant aux kamis d’attendre encore un tout petit peu pendant que sa protectrice prenait les rames et les menaient vers les lignes ennemis.
***
Jotaro avait pu se glisser dans la forteresse juste avant que ses portes ne soient définitivement fermées pour supporter l’assaut en court. Les soldats de la Grue l’ignoraient complètement et il pu se diriger vers l’habitation de Nutsume, suivi de Shizuka. Si l’agitation était constante près des remparts, dans les couloirs régnait un silence de mort. Au détour d’une porte, il tomba sur un sinistre spectacle.
Dans une grande pièce, sans doute un hall pour les réceptions, des dizaines de corps jonchaient le parquet. La majorité semblaient être des ronins aux chapeaux de pailles. Ils avaient profiter du chaos pour infiltrer le château et frapper de l’intérieur. Visiblement, le sol en rossignol les avait trahit.
Reprenant sa contenance, Jotaro s’avança au milieu des corps quand une voix l’interpella d’un râle. « Jotaro… aide-moi... ». Elle venait de l’un des corps. Un jeune homme, grièvement blessé au torse, tendait de ses dernières forces son bras vers l’artiste. Le Shiba reconnu Sosuke, le frère aîné de Yume. Il y a des années, il s’était déshonoré devant le daimyo de son clan et avait du partir en exil, se faisant ronin. Mais il restait un parent de Jotaro qui s’agenouilla à son chevet pour lui venir en aide.
—C’est l’ennemi de notre hôte, tonna Shizuka dans son dos. L’aider serait les trahir.
—Le bushido nous enseigne le principe de clémence ! rétorqua Jotaro. On ne peut pas le laisser agoniser sans rien faire.
La servante grogna mais se joignit à son maître. Curieusement, elle semblait équipée en bandages et savait les appliquer. Avec son aide, l’artiste pu porter les premiers secours à Sosuke qui perdit connaissance dans ses bras. A peine eurent-ils finit qu’une voix puissante rugit dans leur dos :
—Vous soignez nos assaillants ? C’est comme ça que vous me remercier pour mon hospitalité ?
***
La barque avançait doucement sur les eaux calmes du lac. Le temps semblait presque suspendu, les cris et l’agitation de la guerre était loin maintenant. Seul le doux clapotis de l’eau venait rompre le silence alentour. Mais Yume n’avait pas le temps d’apprécier cette paix passagère. Ils devaient faire au plus vite. Les doigts de Shin se crispait sous les efforts de concentration qu’il devait déployer pour garder les kamis sous son contrôle. Elle devait se dépêcher, donner toute sa force pour ramer.
Un cri d’alarme attira son attention. Elle vit des silhouette sur les fortifications du château. Il s’agitait avec leurs arcs en criant et en pointant leur embarcation du doigt. Visiblement, ils s’appétaient à leur tirer dessus. Elle pesta : c’était bien le moment ! Elle se releva d’un bon. Sautant en agitant l’éventail offert par le seigneur local Daidoji Harushige, elle cria de toutes ses forces jusqu’à s’époumoner que c’étaient pour les aider. Portée par les eaux, sa voix sembla atteindre les vigiles de la Grue qui hésitèrent et abaissèrent leurs armes, permettant à Yume de reprendre sa route. Après quelques minutes, Shin se releva sur l’embarcation.
—On est assez près, dit-il le regard perdu dans le vide. A présent… il n’y a qu’à attendre la certitude que les hostilités ont bien commencé.
—Pardon ? répliqua Yume. Le village est en feu, on entend les combats d’ici sur les remparts et Asakura a confirmé qu’il n’y aurait pas de solution diplomatique ! Shin. Les hostilités ont déjà commencée.
—Très bien, murmura le shugenja. Dans ce cas…
Il se tourna vers la forêt surplombant le rivage. C’était le moment. Levant une main vers la forêt, il déchaîna toute sa puissance et sa colère, libérant tous ses pouvoirs et déversant un torrent de flammes. L’air crépita tout autour de l’embarcation et un tourbillon de flamme les entoura l’espace de quelques secondes. Les jambes de Yume fléchirent devant cette puissance, mais Shin se tenait droit, les remords et les craintes remplacés par une brève euphorie ardente. D’un geste, il ordonna aux flammes de se diriger vers la rive et de dévorer la forêt. Les kamis du feu étaient ravis ! Tant de nourriture leur était offerte ! Le shugenja avait tenu sa promesse et le pouvoir de la cloche était à lui.
Mais au même instant, une multitudes d’explosions retentirent depuis les positions fortifiées du lion, et les hwachas déchaînèrent leurs rafales de traits ardents sur le Kosaten.
***
En se retournant, Jotaro vit le seigneur Harushige le défier du regard. Prit au dépourvu, il répondit qu’il s’agissait d’un parent à lui et du frère de Yume. Il assura se porter garant du jeune homme. Un silence pesant s’installa entre les deux hommes avant que le seigneur de la garnison ne cède et n’accepte de lui faire confiance.
Avant qu’il ne puisse rajouter autre chose, des explosions retentirent au loin. Avant qu’ils ne puissent réagir, le sol se mit à trembler et un grondement sourd vrombit sous leurs pieds. Une pluie de poussière fine leur tomba dessus. Harushige regarda autour de lui paniqué, puis fit signe à ses hommes de le suivre. Jotaro l’entendit juste ordonner de déplacer quelque chose avant que ça n’explose.
Avec l’aide de sa servante, l’artiste entreprit de déplacer le blessé vers un pavillon plus en sécurité. Ils trouvèrent une pièce vide et isolée. Néanmoins, Shizuka prévient le Shiba que les blessures de Sosuke ne pourrait plus permettre un tel trajet sans le condamner. Elle même commençait à perdre son sang froid.
***
Voyant les traînées ardents laissés dans le ciel par les tirs de hwachas, Shin ordonna aux kamis de tenir leur promesse et sonna la cloche, intimant à la foudre de tomber sur les armes de guerre. Le tintement métallique retentit dans toute la vallée. Une seconde de silence tomba dans la baie… puis les cieux s’ouvrirent et une multitude d’éclaires frappèrent les armes du clan du Lion. Le tonnerre gronda et les barils de poudres explosèrent, couvrant les cris de douleurs des artificiers.
Puis aussi vite qu’ils étaient apparus, la foudre cessa, laissant un sillage calciné sous son passage. La majorité des armes avaient été détruites, mais quelques unes avaient échappés à la fureur destructrice du shugenjas. Les voyant déjà réarmer, Yume se releva et annonça qu’il fallait pousser l’avantage et en finir !
***
Depuis le camp des lions, Tatsuo fut témoin du départ d’incendie plus haut dans les collines, suivi du tir des armes de sièges qui vinrent frapper les fondations de la forteresse avant d’elles même se faire détruire pour la plus part. Devant un tel déferlement de puissance en si peu de temps, il en resta coi. Il se secoua pour tenter de retrouver ses esprits. Il devait mettre Asakura en sécurité.
En observant autour de lui, il remarqua que les soldats du lion semblaient complètement ignorer sa présence et celle de l’inquisiteur. Ils se rassemblaient autour de leurs chefs et attendaient les ordres pour l’assaut terrestre. Il se dit qu’il pouvait en profiter pour partir incognito. Mais la difficulté vient de l’inquisiteur qui rechigna. S’étant mit à l’écoute des esprits en ces lieux, il détectait des phénomènes surnaturels étranges qui étaient à l’œuvre : une capacité de change forme et une autre liée au sang. Plutôt que de partir, il voulait enquêter à ce sujet !
Les deux hommes furent interrompus, alors qu’ils étaient encore en périphérie du camp, par l’arrivée d’Ino, qui accourait vers son maître en aboyant joyeusement. Par contre, aucune trace de Bo. Avant qu’ils ne purent enquêter, le trio fut enveloppé d’une lumière rougeâtre, surnaturelle, comme s’il y avait des reflets de métal dans l’air. Une aura sombre et cruelle émana du centre du camp, près de la tente de Matsu Shigeru.
Au même instant, l’air crépita à nouveau et les dernières armes de sièges du Lion déchargèrent une seconde volée vers la forteresse.
***
Le sol trembla à nouveau, plus fort, et des fissures apparurent dans les murs autour de Jotaro. Sa servante ne pu retenir un cri de terreur. Quand le calme revint, Jotaro l’invita à reprendre son souffle. Ils étaient en sécurité tous les trois dans cette pièce. Il pouvait la protéger. A ces mots, Shizuka se redressa et défia son maître du regard.
—Il faut qu’une personne reste avec Sosuke pour s’occuper de lui. Mais est-ce que la vie de ce ronin vaut la réussite de ta mission ?
A ces mots, elle sembla indiquer le lieu où devait être détenue Rekai. L’artiste hésita. Comment une simple servante pouvait-elle en savoir autant ? Il fini par hocher de la tête. Il avait compris et il confia le blessé aux soins de la servante. Mais avant qu’il ne parte, celle-ci le retint par la manche et lui confia une fiole. Si jamais cela devenait trop compliqué, il devait lui (sous entendu Rekai) faire boire cette potion. Allant de surprise en surprise avec cette femme, Jotaro s’éclipsa et se dirigea vers les quartiers de Nutsumen estimant que c’était le moyen le plus simple de rejoindre sa cible.
Avançant entre les débris et les corps, il finit par atteindre la demeure de Nutsume. Ouvrant le shoji d’un geste sec, il tomba nez à nez avec Rekai. Elle se tenait debout, dans sa tenue blanche, les mains tremblantes et le regard hagard. A ses pieds, gisait le corps sans vie de Nutsume.
***
Toujours en ramant vers les troupes du clan du Lion, Yume enjoignit de donner tout ce qu’il avait. Comme le Phénix, tout devait être consumé jusqu’aux cendres avant de pouvoir renaître. Encouragé par ces mots, Shin sonna une deuxième fois la cloche et déchaîna la foudre sur ce qu’il restait des hwachas. A nouveau les cieux s’ouvrirent et l’air s’embrasa autour du shugenja. Les éclaires semblaient lui appartenir, dansant au bout de ses doigts et obéissant à ses moindres désirs. Brûler et réduire en cendre comme lui avait dit Yume, c’était un tel jeu d’enfant ! Rien ne pouvait s’opposer à sa destruction !
Et le temps d’un battement de cœur, le tonnerre s’éloigna, laissant derrière lui un nouveau sillage de morts et de destruction. Plus aucune arme du clan du lion ne tenait debout. Shin lui-même s’effondra à genoux dans la barque, épuisé. Soutenu par Yume qui l’aida à s’asseoir, il lui ordonna de retourner vers le château. Ils en avaient fini ici et ils devaient rentrer surveiller Rekai.
La guerrière fronça des sourcils en jetant un coup d’œil inquiet vers le campement où devait se trouver Tatsuo et Asakura. Au loin sur les côtes, les troupes du Lion avaient commencer l’assaut des remparts du Kosaten. Cependant, elles se montraient indisciplinées, chaotiques et s’écrasaient en vain sur les remparts, ne laissant que plus de cadavre à leurs pieds. De nombreux ashigarus commençaient à prendre la fuite. Mais au centre du camp, un spectacle des plus macabres se jouait.
***
S’étant cachés derrière une tête à l’instant où les lueurs rouges étaient apparus, les deux phénix et le chiens virent les bushis du clan du lion se regrouper et se mettre à genoux devant Matsu. Ils posèrent leurs katanas devant eux et dégainèrent leurs wakizashis… avant de se transpercer le ventre avec.
Alors qu’ils retenaient un cri d’horreur, ils furent surpris par Bo qui sortit d’un fourré derrière eux en annonçant avoir accompli sa mission ! Il avait ramené Inu ! Asakura prit la peine de le corriger : Inu était rentré seul, de son propre fait. Mais il y avait plus urgent à présent de toute façon. Quoi qu’il soit, il fallait arrêter ce rituel. Il sortit de sa cachette et retourna vers le centre du campement. Alors qu’il était si animé il y a à peine une heure de cela, un silence de mort pesait à présent au milieu des tentes et habitations provisoires. De nombreux corps jonchaient la terre qui se gorgeait de leur sang. Seules quelques torches brûlaient dans l’obscurité, et leur sinistre reflet brillaient dans le sol humide.
En arrivant à proximité de Matsu, qui se tenait immobile avec un large sourire, les phénix découvrirent une forge où de nombreux armes métalliques étaient rassemblées, formant un immense amas métallique. Lentement, le sang des bushis se déplaçait et s’agglutinait vers ses armes, les fusionnant les unes aux autres, créant une monstrueuse créature à l’apparence grossière d’un scorpion fait d’acier et de sang.
L’inquisiteur déglutit en sentant cette aberration démoniaque se former. Déjà la créature commençait à vibrer et ses extrémités se mouvaient. Il devait purifier cette chose. Il en allait de son devoir d’inquisiteur, quoi qu’il en coûte. Il s’approcha et commença à faire appel aux kamis pour que leurs flammes purificatrices nettoient cette terre de la souillure. Shigeru vit alors l’Asako et dégaina son arme, mais Tatsuo s’avança et s’interposa. Le voyant, le colosse du lion ricana et passa à l’attaque. D’une vitesse et d’une fureur impressionnante pour sa stature, il déjoua la défense de Tatsuo et lui entailla la main. Échauffé par l’odeur du sang et la joie de la bataille, Shigeru poussa un puissant cri de guerre qui retentit dans toute la région.
***
Yume commençait à ramer à contre cœur vers le château pour obéir à Shin quand le hurlement de rage tonna et troubla le calme des eaux. Son sang ne fit qu’un tour. Elle ne pouvait pas ignorer cet appel. Qui sait ce qui pouvait se déchaîner là bas ? Et puis… la cloche pouvait toujours servir. Elle se releva d’un bon et saisit son protégé par les épaules. Elle lui arracha son masque et s’exclama :
—Shin, réveille-toi ! On ne peut pas faire demi-tour maintenant ! Je sais que tu as encore des forces à donner ! Il est hors de question de s’arrêter maintenant. Tu as toujours la cloche, on peut s’en servir pour régler les problèmes qu’il y a là bas. On est le clan du phénix bon sang. On donne tout jusqu’au bout. Du nerf !
Cette soudaine énergie de la guerrière sembla redonner du poil de la bête au shugenja. Une étincelle se ralluma dans son regard éteint. Reprenant sa coiffe, il accepta de retourne au combat et d’utiliser la cloche une dernière fois alors que Yume donnait tout ce qu’elle avait pour se précipiter vers le camp du Lion.
***
Au cœur de la forteresse, Jotaro se tenait toujours face à Rekai. La femme l’observait, comme si elle le jaugeait et se demandait quoi faire de lui.
—Dehors, le clan de la Grue et du Lion s’affronte, comment-ça-t-il. C’est le chaos le plus complet. Il vaut mieux que vous restiez ici pour l’instant et que vous vous calmiez. Aller plus loin ne ferait que vous mettre en danger. Tenter quoi que ce soit, c’est le risque de s’attirer les foudres des belligérants.
La femme sembla hésiter puis acquiesça.
—Vous avez raison, je ne sais pas ce qu’il m’a prit. Désolé. Il y aura de meilleurs opportunités plus tard.
Sur ces mots, elle s’approcha de la dépouille de Nutsume et entreprit de lui enlever ses vêtements. Elle se dévêtis de sa robe blanche et prit la tenue couleur phénix du Shiba sous le regard incrédule de l’artiste. A cette occasion , Jotaro pu remarquer que toute la peau de la femme semblait aussi lisse et blanche que de la porcelaine, et non juste son visage. Ajustant sa tenue devant un miroir, elle expliqua que l’idée du déguisement lui venait de Yume et Shin. Elle ne faisait que suivre leur inspiration, conclu-t-elle avec un sinistre sourire en coin à l’adresse de Jotaro.
***
Une colonne de flamme enveloppa Asakura, brûlant et repoussant le scorpion d’acier. Sous l’effet de cette chaleur intense, le sang commença à bouillir et s’évaporer. La structure du colosse d’arme fondues grinça, mais continua de se débattre pour se mettre debout et se dégager de l’antre de la forge. Grinçant des dents pour ignorer la douleur, Tatsuo assura sa prise sur son arme. Ignorant Shigeru qui le provoquait et attendait une contre-attaque, il se tourna vers le monstre d’acier et de sang. Esquivant ses pinces tranchantes, il trouva une faille où glisser sa lame et arracha un morceau de métal fumant. La créature s’agita dans une cacophonie de choc et de tintement, laissant une ouverture à Asakura pour invoquer une nouvelle fois son feu et le faire fondre.
—Alors comme ça on préfère s’en prendre aux animaux de compagnies ? gronda Shigeru avec un sourire mauvais.
Sans se départir de son rictus, il commença à murmurer des paroles incompréhensibles en direction d’Inu. L’animal fut comme paralysé et ne put laisser échapper qu’un couinement plaintif alors que le puissant guerrier s’avançait pour tuer la bête.
Prenant peur pour la vie de son compagnon, Asakura se détourna du scorpion pour voler à son secours. Mais se faisant, il perdit sa concentration sur les flammes. D’un geste vif, le monstre d’acier plongea une de ses pinces dans le bras de Tatsuo, prenant le guerrier au dépourvu. Jeté à terre sous la violence du coup, le bushi concentra ses dernières forces pour porter un nouvel assaut, visant le cœur de la monstruosité. Mais son katana rebondit contre les protections et une nouvelle pince se planta dans la jambe du guerrier. Le bushi vit sa dernière heure arrivée quand la bête leva sa queue faite de katanas prête à le transpercer.
***
—Shin ! hurla Yume en lui montrant le scorpion métallique au loin, foudroie moi cette aberration ! Tu peux le faire !
Grimaçant sous l’effort qu’il avait encore à fournir, le shugenja rassembla ses dernières forces, tout le contrôle qui lui restait sur les kamis et sonna une nouvelle fois la cloche.
***
Un torrent d’éclairs se déchaînèrent sur la bête d’acier. Les morceaux d’armes volèrent en éclats et le sang s’évapora. Dans un grincement sinistre, la queue du scorpion se disloqua et tomba en pièce aux pieds de Tatsuo. La bête se tortilla, glissant au sol, ses mandibules claquant dans le ville, cherchant la moindre goutte de sang à absorber pour survivre. Le guerrier saisi cette occasion pour reculer et reprendre son souffle. Cependant, son bras blessé lui arracha un cri de douleur. En l’examinant, la blessure ne semblait pas profonde, mais autour de la plaie, des veinules noires se rependaient et paralysait ses muscles. Quelque chose de surnaturel se propageait dans son corps et le clouait au sol.
Ignorant la pluie d’éclairs dans son dos, Asakura se glissa devant Shigeru et prit Inu entre ses bras avant de s’enfuir avec. Le chef du Lion ricana.
—S’il me faut du sang pour ma création, autant prendre celui du maître, ce sera plus riche ! rugit-il. Mais avant, il est temps de quitter cette enveloppe étroite et ridicule !
A ces mots, le colosse dégrafa les sangles de son armure. Son corps s’élargit, laissant apparaître une musculature puissante et une silhouette taillée pour la guerre. Ses doigts se changèrent en griffes acérées, un pelage doré poussa sur sa peau, ses cheveux s’allongèrent en une épaisse crinière et sa tête prit l’apparence d’un véritable lion.
—C’est tout ? ricana Asakura en laissant fuir son chien vers Bo. Je m’attendais à plus grand.
Dans un puissant rugissement, le change forme bondit sur Asakura. D’une frappe aussi vite que l’éclaire, son katana perça l’épaule de l’inquisiteur. Celui-ci accusa le coup, mais se retourna vers son agresseur avec un vilain rictus sur les lèvres.
—Raté, je suis toujours debout ! Maintenant, dit bonjour à mon amie !
A ces mots, il s’enveloppa une nouvelle fois de ses flammes purificatrices, aveuglant le monstre qui du reculer et relâcher sa proie. Ignorant son poil en train de brûler, le prétendu Shigeru se redressa juste à temps pour voir la pointe brûlante d’un naginata surgir des flammes. La lame se planta dans son poitrail et le fit reculer.
—Salut ! Tsudo Nintai je présume ? s’exclama Yume. Il est temps que tu affrontes quelqu’un de ta taille !
Sans attendre de réponse, elle retira son arme et enchaîna les assauts. Faisant tournoyer son arme enchantée par Shin autour d’elle, la guerrière fit pleuvoir un déluge d’assaut sur le colosse, ne lui laissant aucun espace pour répliquer et le forçant à reculer pour l’éloigner de l’inquisiteur, créant un véritable mur d’acier et de feu entre eux.
—Enfin, il était temps que vous arriviez, lança Asakura en crachant un caillot de sang.
—Tu ferais mieux de garder tes forces, lui glissa Shin en se glissant à ses côtés. Nintai ! Regardes ce que je compte faire d’Hinata !
A cet instant, le shugenja poussa un cri de guerre et la vue du Kitsu se troubla. Le camp dévasté laissa place à une pièce vide où se tenait Hinata. Elle lui jetait un regard accusateur alors que Shin apparaissait dans son dos, un katana à la main. L’Isawa lui adressa un clin d’œil et décapita la femme. Le sang de Tsudo bouillit et il se figea une seconde. Yume sauta sur l’ouverture et lui porta un puissant coup au flanc. Mais le change forme ne faillit pas. Il gronda en direction de Shin :
—Tu veux jouer à qui tue la copine de l’autre ? Observe !
Le Kitsu poussa un hurlement, criant à la fois sa rage et le plaisir du frisson de la bataille puis il repartit à l’assaut de Yume. Les deux guerriers échangèrent une pluie de coups, mais cette fois-ci, Nintai se délectait de chaque seconde, de chaque entaille que lui infligeait la Shiba, et redoublait de férocité, la forçant à reculer son sa puissance brute et sa rage sans nom. Leurs lames se croisèrent, glissèrent et Yume tressaillit. Elle fit quelques pas pour s’éloigner et sentit une de ses jambes faillir sous son poids. Le katana de Nintai lui avait entaillé la cuisse.
Grimaçant sous la douleur, elle affermit sa prise sur son naginata et repartit à l’assaut, agitant son arme afin d’occuper pour le monstre. Les autres étaient tous à bout, ce n’était pas le moment de céder. Elle devait garder son attention et affaiblir ses défenses, occuper son esprit, qu’il ne se concentre que sur elle, qu’elle soit la dernière menace pour lui, feinter, diriger son regard. Le Kitsu prenait plaisir à ce jeu, a tourmenter sa proie, lui faire croire qu’elle avait une chance de le toucher, parer à la dernière minute et profiter de l’ouverture pour…
Nintai fut interrompu dans son assaut par la lame de Tatsuo qui lui traversa les côtes. A bout de souffle, le guerrier avait rassembler ses dernières forces pour venir porter cet ultime coup avec son seul bras valide. Asakura dégaina sa propre arme et voulu imiter son garde du corps. Le monstre rugit. Avec une vigueur surnaturelle, il repoussa d’une main l’inquisiteur. De l’autre, il dirigea son sabre sur Tatsuo. Le yojimbo n’avait plus la force d’éviter et la lame le transperça de part en part. Il émit juste un hoquet et le sang empli sa gorge.
Criant sa frustration, Yume lacéra le dos du guerrier lion. Celui-ci rugit et se détourna de sa proie pour une nouvelle. Toute raison avait quitté son regard. « Sur ta droite ! » hurla Shin dans le dos de la Shiba. L’acier tinta, un arc argenté étincela et l’arme de Tsudo vola avec sa main. Avec les dernières flammes du sort de Shin, Yume venait de trancher le bras de son opposant. Elle baissa sa garde une seconde, pensant en avoir fini, ignorant les cris d’alertes d’Asakura et de Shin.
Tsudo Nintai, dans toute sa rage et sa fièvre du combat ne tressaillit pas un instant. Toutes griffes dehors, il s’apprêtait à saisir la guerrière à la gorge.
La vision de Tatsuo se brouillait. En cet instant, le monde autour de lui n’était qu’un immense brouillard flou. Son sang coulait à grosses goûtes de ses blessures. La vie le quittait. C’était fini, il n’avait plus la moindre force. Mais ça ne pouvait pas se finir ainsi. Sa mémoire défaillait. Le visage de son épouse lui revint. Il ne pouvait pas la laisser. Ni manquer à son devoir de protéger Asakura, ou laisser ses compagnons sous sa garde. Il ferma les yeux, ignorant toute sensation, toute douleur. S’ils devaient l’emporter, les esprits devraient guider sa main.
L’espace d’une seconde, il ne sentit plus de douleur. Les forces se revint. Sans qu’il n’y pense, sa main saisit la poignée de son katana, arma et frappa. Le sang gicla.
Emporté dans son élan, Tsudo Nintai s’effondra aux pieds de Yume, les poumons transpercés par la lame de Tatsuo. Sans même réaliser ce qu’il venait de faire, les jambes du guerrier le lâchèrent. Alors qu’Asakura se précipitait à son secourt pour penser ses plaies, il voulu murmurer quelques questions à l’adresse du Kitsu.
Ce dernier bougeait encore, émettant des râles au travers du sang qui emplissait sa gorge. Mais avant que quiconque ne puisse intervenir, Yume brandit son naginata dans un cri de rage et le ficha dans son crâne. Le change forme s’immobilisa, puis s’affaissa.
—Va pourrir au plus profond des enfers, ordure ! pesta la Shiba.
La tension retomba enfin. Non loin, la structure du scorpion s’était effondrée en morceaux, faute de sang pour l’alimenter. Les quatre phénix étaient seuls à présent, entourés de cadavres et de débris d’armes. Les bushis étaient partit mourir au combat, tués par les flèches de la Grue ou s’était suicidés plutôt que de pratiquer un sacrifice de sang. Les ashigarus eux avaient fuient. Alors que la clameur retombait, les compagnons purent se dirent qu’ils avaient triomphés.
Pendant qu’Asakura finissait de penser les plaies de son garde du corps, Shin s’éloigna avec la cloche. Yume le rattrapa en boitillant et en lui disant qu’ils avaient fait du bon boulot ici. Mais le shugenja ne semblait pas l’écouter. Son regard semblaient contempler un autre horizon. Un horizon de possibilité sans fin.
—On ne peut pas laisser cette arme à la Grue ou au Dragon, murmura-t-il pour lui-même, comme si Yume n’était pas là. Il faut la cacher et la récupérer plus tard. Tu comprends n’est-ce pas ? La cloche doit revenir au clan du Phénix ! Nous devons dire à Harushige que la cloche s’est brisée et qu’elle est tombée dans l’eau après son utilisation !
En parlant ainsi, Shin semblait hors de lui, mais Yume acquiesça et lui assura qu’elle s’en tiendrait à la version du shugenjas. Les deux autres auraient intérêt à faire de même. Ensemble, ils creusèrent un trou au pied d’un arbre épargné par les flammes et la foudre où ils enterrèrent la cloche avant de retourner vers leurs camarades.