Promenons-nous dans les bois...
Aujourd'hui, on a prévu avec les amis de faire une petite pièce de théâtre afin de faire plaisir à Spurius et de lui donner de l'espoir pour l'avenir alors qu'il a l'air si taciturne. C'était aussi l'occasion de faire que Lex sorte un peu avec Amy qui l'empêche de sortir tout le temps alors que ce n'est ni sa mère ni sa sœur ni sa tante... Ça me rappelle un peu Mademoiselle Cerise qui nous donnait des consignes sans les expliquer.
Je me suis renseignée auprès de Diablotine et d'Oona Coursevent pour avoir plus de détails sur certains contes de fées que je connaissais un peu. Celui qui m'intéressait le plus c'est le conte du chaudron plein d'or qui est en dessous de l'aurore boréale et j'ai voulu en faire une représentation. Erdenniel était vraiment ravi de jouer le rôle d'un arbre, c'est lui qui a insisté et quand on parlait il soufflait fortement "fffffshuuuu" pour combler les vides en prétendant que c'est le bruit du vent entre ses feuilles. Il m'a bien fait rire !
Alors que je décrivais que je trouvais enfin l'aurore, j'ai vu une lumière scintiller entre les branches des arbres de la forêt, ça devait être la vraie ! Le conte dit bien que pour voir cette aurore boréale, il faut d'abord la trouver et je venais de déclarer que je l'avais trouvée !! Je suis partie en courant, certaine que les autres me suivraient. De toutes façons dans cette forêt il n'y a rien de dangereux à part le vieux Gregor dans sa hutte mais c'est beaucoup plus loin. Après tout le griffon dissuade pas mal de malandrins et de créatures ordinaires de s'approcher. Et on a Spurius avec nous !
Spurius dit qu'il n'a jamais vu d'aurore boréale ou d'arc en ciel même et que ça n'existe pas. Il est parfois un peu bizarre mais je peux comprendre que le merveilleux puisse paraître impossible jusqu'à ce qu'on l'ait devant les yeux.
Alors que nous courons tous ensemble, la lumière à travers les arbres semble se rapprocher et je me sens comme un chat après sa proie, je suis totalement excitée par l'idée de pouvoir l'atteindre et de découvrir ce qui se tient en contrebas. C'est comme si le chemin était tout tracé. Plus je m'approche et plus je remarque que l'aurore est finalement au ras du sol et que nous sommes dedans. Tout scintille autour de nous. Nous sommes dans le conte de fées. Ça tombe bien, l'histoire s'arrêtait avec le lutin qui atteint le chaudron et qui l'ouvre, on va pouvoir voir la suite.
Lex, inquiète, nous fait la remarque qu'elle ne reconnaît pas les lieux et que dans la forêt il y a le bruit d'un animal qu'elle ne reconnaît pas non plus. Je ne porte pas trop attention à ça parce que Lex a beau aimer se comporter comme un gobelin parfois, elle n'en est pas un et n'a pas l'expérience d'Avok pour reconnaître les animaux de la forêt. Par contre, le fait qu'elle soit persuadée que là où l'on se trouve il devrait y avoir l'observatoire féérique des patrouilleurs m'inquiète vraiment : la forêt n'est bel et bien pas la même. A la place d'un observatoire, nous trouvons une clairière dans la forêt avec des citrouilles géantes et une maison coquette et à l'apparence accueillante.

...pendant que le loup n'y est pas...
Je la reconnais, c'est forcément la maison de Marraine la Bonne Fée ! Elle fait une excellente soupe au potiron et aide les gens dans le besoin, elle apparaît dans la forêt pour les enfants perdus, l'idéal est de passer la saluer pour qu'elle nous aide si jamais on a fait une bêtise sans le savoir.
Quand nous jetons un œil à travers la fenêtre avant de rentrer, nous remarquons que l'intérieur n'est pas à l'image de l'extérieur et nettement plus inquiétant, avec des toiles d'araignées, des chaises cassées, des murs pourris... Je n'ai pas peur moi, après tout, dans le manoir Artavius c'était pareil dans notre aile avant qu'on s'y installe ! Je décide donc de taper à la porte. Pas de réponse. Je remarque que la porte est entrouverte et comme pour les fées il n'y a pas de différence entre une porte laissée ouverte et l'expression "ma porte reste ouverte", ça nous permet de rentrer sans faire de faux-pas. Je rentre donc.
Le plancher n'est pas très bien entretenu et avec mon pas assuré, mon pied traverse une planche. Erdenniel se rue pour m'aider mais il contribue à faire s'effondrer le plancher autour de moi et maintenant je suis accrochée comme je peux à ses mains, les pieds dans le vide, tandis que lui est à terre au sol.
Spurius dit quelque chose comme "Nim, pas encore !" et reste planté là sans rien faire, il est costaud mais il n'est pas très dégourdi !
Lex est en train de faire de son mieux pour sortir une corde qu'elle déroule de son sac vers moi tandis qu'Erdenniel me lâche. Je saisis tant bien que mal la corde mais heureusement je n'étais pas très haut, j'atteins le sol sans problème, c'est juste très sombre et il y a en bas une forte odeur de potiron, légèrement rance mais toutefois fascinante. Comme quand on est au bord d'un gouffre et qu'on a cette attirance pour le vide.
A l'extérieur il semble y avoir du grabuge : les citrouilles géantes de la clairière se sont animées et encerclent la bâtisse.
Alors que je dis à tout le monde de descendre parce que je vois de la lumière et qu'en haut ça semble craindre un peu, Lex nous dit qu'elle veut d'abord aller voir le chaudron avant de me rejoindre, Erdenniel descend et Spurius reste en haut sans trop bouger.

A priori le chaudron en question a des pattes et s'approche de Lex, son couvercle se décalant avec chaque mouvement, laissant apercevoir que l'intérieur semble vide. Il semble inoffensif et curieux et assez large pour pouvoir contenir plusieurs jeunes adolescents de notre taille. Lex trouve qu'il n'y a rien de mieux à faire que de lui donner un saucisson. Il devait y rester des morceaux de chauve-souris ou je ne sais quoi d'autre car le chaudron s'est mis à s'animer et à cracher une sorte de petit cochon vampire avec des ailes de chauve-souris qui se met à attaquer Lex ! Pendant ce temps, le chaudron s'assied et observe, comme un chien satisfait d'avoir ramené le bâton. Heureusement, Spurius s'interpose et parvient à le faire fuir.
Erdenniel qui est descendu avec moi en bas trouve un monte charge tandis que je discute avec un champignon luminescent adorable qui s'appelle Luqua. Il me dit qu'il faut partir vite parce qu' "elle va revenir", je lui demande s'il parle de Marraine la bonne fée qui est censée être très gentille, il me répond que "oui oui, elle est très gentille mais il faut partir". Je l'emporte avec moi, c'est très obscur en bas après tout et il est gentil. Luqua dit aussi à Erdenniel que beaucoup de champignons ont été mis sur le monte charge mais qu'aucun n'est revenu, cela veut dire que c'est la sortie probablement d'après lui mais ceux en haut démentent cela, ça mène juste à la cuisine. Spurius et Lex descendent par le monte charge et nous rejoignent en bas. Comme il n'y a pas d'issue en haut qui nous permette d'éviter ces terrifiantes citrouilles géantes animées et aux sourires diaboliques, on décide de s'aventurer plus loin, en suivant l'odeur envoûtante de la soupe... Maintenant que j'écris ça je me dis que ce n'était pas forcément la meilleure idée à avoir mais ça paraissait logique sur le moment !
...si le loup y était...
Étonnamment, après avoir suivi quelques couloirs et que nous nous attendions à trouver la fameuse soupe, nous arrivons dans une chambre meublée avec une armoire au fond et des choses qui pendent au plafond. Accrochées par des fils, ce sont des sortes de poupées avec chacune une corde autour de leur cou et un écriteau qui pendouille de chacune d'elles. On reconnaît après une petite inspection parmi les poupées des effigies de Flavia Aurelius Croc-d'Argent (celle qui s'occupe de la Bibliothèque), d'Isac (le ténébreux qui a un bâton de feu mais qui n'a pas de cheveux, au contraire de Jean) et d'Euryale (celle avec des serpents à la place de cheveux). Spurius semble reconnaître une autre poupée et il murmure "Ratsilak..." avec comme de la haine dans la voix, il fixe la poupée intensément, on dirait ma mère quand elle pense que je ne suis pas là et qu'elle fixe le buste de son père. Certains des écriteaux accrochés aux poupées semblent très vieux, certains sont noircis et le nom est illisible mais il n'y a pas d'écriteau sans poupée.
On continue d'explorer la pièce tandis qu'une voix d'une femme âgée résonne jusqu'à nos oreilles : "En cette nuitée vous êtes bien agités, que s'est-il donc passé ? Des intrus ? Malotrus ! J'ai déjà mangé, je vais devenir ventrue !". Elle arrive. Qui donc mange des champignons qui parlent pourrait très bien manger des enfants qui parlent eux aussi !
On décide de se cacher, n'aillant nulle part ailleurs où aller. Je vais dans l'armoire avec Erdenniel et Luqua, je m'efforce de montrer que je maîtrise pour ne pas leur causer de tracas mais le petit champignon est peut être un peu trop en confiance car alors que la porte de la chambre grince, il dit qu'il aimerait bien re-goûter de la soupe et qu'elle est vraiment très bonne ! Il explique qu'il a bu beaucoup de soupe et que petit à petit il n'a plus eu de bras pour se servir par lui même, il s'est progressivement transformé en champignon mignon !

...il nous mangerait !
Spurius se tenait prêt pour passer entre les pieds de la sorcière alors qu'il est quand même très grand ! Lex supportait le plan et se tenait prêt avec lui. Erdenniel et moi devions partir une fois que la sorcière était à leurs trousses. Lex avait déposé ses chausses à l'entrée de la porte parce qu'Amy se prend souvent les pieds dedans et elle a pensé que c'était une bonne idée ici aussi. Et ça marche ! En rentrant, elle tombe sur ses fesses et perd l'orbe qu'elle tenait entre les mains devant elle, comme un œil. Lex attrape l'orbe mais la sorcière lui a saisi le bras. Elle lui demande d'un ton assez doux : "pourquoi t'agites tu ainsi, quel est le souci ?". Erdenniel qui voit la scène par la serrure de l'armoire en sort et déboule en courant, frappant alors la vieille femme avec sa masse, la blessant au bras et permettant à Lex de se libérer. Personne n'a vu quand mais la vieille dame tient en même temps un bol de soupe qu'elle a tendu vers Spurius et qu'il tient désormais entre ses mains.
Je me souviens alors du principe de réciprocité que j'avais appris auprès de mon orphelinat avec Mademoiselle Cerise : certaines fées ne peuvent agir que par opposition en répondant à quelque chose, qu'il s'agisse de quelque chose de passif ou de plus actif. Par exemple, quelqu'un qui est reconnu comme beau, elle pourra l'enlaidir et quelqu'un qui l'a blessée, elle pourra blesser en retour. Forcément, elles se servent de cela à leur avantage et c'est très dur de les piéger. En la blessant, Erdenniel a rendu possible le faire d'être blessé aussi, possiblement au quintuple ! Une bonne méthode pour restreindre l'effet de ce principe est d'assumer totalement ce qui vient de se passer, comme si c'était une rétribution pour quelque chose de mal qu'a fait la sorcière. Je crie donc à Erdenniel de ne pas s'excuser et ça semble marcher parce qu'elle interrompt ce qu'elle s'apprêtait à faire.
Par contre, je n'avais pas pensé qu'en devinant quelque chose sur elle, elle pourrait deviner aussi des choses sur moi. Elle me pointe de son doigt crochu et me dit "Coline, petite coquine, malheureuse, toi, tu es dangereuse !".
Je lui tends un bâton pour l'aider à se relever en espérant montrer que je ne suis pas dangereuse justement. Lorsqu'elle le saisit, le bâton se déforme et se transforme en table, des chaises apparaissent ainsi que des bols plein de soupe sur la table. Elle nous invite à dîner avec elle et partager le repas... je réalise avec frayeur que nous sommes chez elle et qu'on est tenus de respecter le principe d'hospitalité. Qui sait ce qui va nous arriver si nous buvons cette soupe ! Tout le monde commence à s'assoir, poussé par la magie de la sorcière. Je cherche désespérément quelque chose qui ne va pas, une erreur qu'elle aurait pu faire, je remarque que les couverts n'ont pas été disposés correctement alors je tente de le coup, croisant les doigts pour que cela nous libère de sa magie. Elle est extrêmement agacée, ça marche ! Par contre elle tente de me sauter dessus ! Heureusement, elle utilisait l'orbe pour voir autour d'elle semble-t-il, et à y regarder de plus près, il semble y avoir un œil là-dedans en effet !
Elle tente de me renifler... Qu'est-ce qu'il m'a pris aussi de ne pas être passée aux thermes comme je l'avais promis à Mater ! Lex imite ma voix pour l'attirer vers elle, la sorcière se jette alors sur elle en disant quelque chose d'une langue qu'on ne comprend pas (sûrement du noirceux). Quand la sorcière saisit Lex, elle semble réaliser son erreur et se met à crier, tout semble fondre autour de nous.
Le temps de cligner des yeux et nous sommes dans la clairière où se situe l'observatoire féérique. Spurius est allongé au sol, inconscient, avec une forme fantomatique près de lui. Lex le reconnaît, c'est Asticot !
Il dit juste qu'il est rassuré de voir les enfants se débrouiller sans lui, qu'ils sont plus forts qu'il ne le pensait et qu'il peut partir tranquille en disparaissant petit à petit dans les premiers rayons du soleil. Lex étreint Spurius qui est en train de se réveiller et qui ne comprend rien de ce qu'il se passe.