L’Ussura est couverte de neige et de glace quasiment tout le long de l’année. Et lorsqu’elle n’est pas couverte de glace, elle est couverte de boue. Un érudit en visite a un jour écrit : « Les Ussurans ne vivent pas dans le présent, mais cinq cent ans dans le passé. » Le pays est dépourvu de routes aménagées, de barrages ou de toute autre infrastructure d’architecture moderne… ou même d’architecture antique, d’ailleurs. Même leurs huttes et leurs cabanes sont primitives comparées aux cahutes des paysans mieux lotis de la Théah.
Pourtant, les Ussurans n’ont pas le sentiment de vivre dans un désert glacial. En fait, ils ont l’air bien nourris. À y regarder de plus près, l’Ussura n’est pas la contrée désolée qu’elle semble être au premier abord. Ses habitants cultivent des terres qui ne devraient pas être aussi fertiles, chassent du gibier étonnamment abondant et attrapent des poissons suffisamment gros pour faire pâlir de jalousie n’importe quel pêcheur avalonien.
Pour ceux qui ne viennent pas d’Ussura, le pays peut sembler délibérément hostile. Il est impossible de trouver du gibier. Le voyageur tombe immanquablement sur des baies ou des champignons qui le rendent malade, et les points de repère semblent changer d’eux-mêmes. De leur côté, les Ussurans se promènent tranquillement à travers ce chaos et se demandent pourquoi les gens d’ailleurs trouvent que leur pays est rude et inhospitalier. Après tout, Matushka leur donne tout ce dont ils ont besoin et, s’il est vrai qu’elle est parfois dure, c’est uniquement parce qu’elle veut que ses enfants soient forts.
En effet, en Ussura, la terre elle-même est vivante, traversant les saisons dans la joie et la fertilité et se battant aux côtés de son peuple en temps de guerre. Il ne faut pas pour autant croire que les arbres donnent des fruits sur commande ou que la vie d’un fermier ussuran est moins difficile que celle de son homologue d’un autre pays. Cela montre simplement que la terre écoute ses habitants et récompense leurs bonnes actions autant qu’elle punit les mauvaises. Si un fermier ussuran travaille dur tout au long de l’année et s’efforce de faire passer ses devoirs avant ses propres désirs égoïstes, il sera récompensé. Peu importe à quel point l’année aura été rude, ses récoltes seront bonnes et il pourra nourrir sa famille.
Nulle invasion de l’Ussura n’a jamais dépassé la première rivière : les hordes barbares du Cathay sont mortes de maladie et de famine, et certains hardis guerriers d’Eisen parlent souvent âprement du général Johann von der Velde, qui mena ses hommes dans une attaque contre la province méridionale de l’Ussura en l’an 523. On retrouva l’armée après la fonte des neiges, victime d’une tempête qui avait démarré au milieu de l’été.
Les maximes pratiques, honnêtes et franches forment le leitmotiv de la philosophie ussurane. « Si ça fonctionne, pourquoi changer quoi que ce soit ? » pourrait être la devise nationale.