Le matin qui suivit la nuit tragique sembla figé dans un silence irréel. La lumière grise de l'aube glissait à peine à travers les fenêtres du cottage, et les oiseaux semblaient eux aussi retenir leur chant. Dans la petite maison de Bob et Lilinessa, l’atmosphère était lourde, comme si même le temps hésitait à avancer. Les enfants de Bob, Bobessa et Bobelio, avaient grandi entourés de l'amour et de la force indéfectibles de leur père, et aujourd'hui, ils s'éveillèrent sans comprendre que tout avait changé.
Bobessa, la fille aînée, se leva en premier, les yeux encore gonflés de sommeil. À dix ans, elle avait l'âme d'une enfant courageuse, un esprit curieux et vif, toujours en mouvement, toujours prête à jouer ou à courir dans les champs. Elle se précipita hors du lit, pleine d'enthousiasme, impatiente de retrouver son père, de lui montrer ce qu'elle avait fait durant la journée précédente.
Bobelio, plus jeune de quatres ans, se blottit contre sa mère, cherchant à prolonger l'odeur familière du duvet et la chaleur maternelle. À six ans, il n’avait pas encore compris la profondeur des dangers qui planaient sur le monde, mais il savait que ce matin-là, tout semblait différent.
Lilinessa, assise près du feu, les mains tremblantes autour d’une tasse de thé froid, se battait contre les larmes qui menaçaient de déborder. Elle savait que le moment était venu. Elle attendait Bobessa, avec ses cheveux blonds en désordre et son regard pétillant de vie, pour lui annoncer la terrible nouvelle. Mais à mesure que les enfants s’approchaient, un poids insupportable s'alourdissait dans la pièce.
Bobessa s'arrêta sur le seuil, son regard cherchant celui de sa mère. Un sourire éclatant se forma sur ses lèvres lorsqu'elle aperçut la porte, toujours entrouverte, comme pour inviter son père à entrer.
« Maman… où est papa ? » demanda-t-elle innocemment, les yeux pleins d’espoir.
Lilinessa se leva lentement, ses mains tremblant, et se tourna vers sa fille. Les mots étaient comme un poison sur ses lèvres, et le souffle lui manquait. Elle se pencha pour caresser doucement les cheveux de Bobessa, ses yeux pleins de douleur, mais aussi d’un amour profond, celui d'une mère qui savait que cette annonce allait briser son monde.
« Ma chérie, ton papa… » Sa voix se brisa avant qu’elle ne puisse continuer. Les mots restaient coincés dans sa gorge, trop lourds, trop cruels.
Bobessa la regarda, son sourire s’effritant lentement, son innocence étant lentement engloutie par la tristesse qui commençait à naître dans le regard de sa mère. Elle chercha une réponse, ne comprenant pas pourquoi le ton de Lilinessa était si étrange. Pourquoi la chaleur de la maison semblait disparue ? Pourquoi sa mère semblait si fragile, comme si le monde autour d'elle se désintégrait ?
Puis, le regard de Lilinessa s'assombrit, et ses larmes commencèrent à couler. Elle prit la petite main de Bobessa dans la sienne et, d'une voix brisée, souffla :
« Ton papa ne reviendra pas, mon amour... Il... il est tombé au combat. »
Un silence de plomb s’abattit sur la pièce. Bobessa cligna des yeux, comme si elle ne comprenait pas. Elle regarda sa mère, puis tourna son regard vers Bobelio, cherchant dans ses yeux une explication, une solution. Mais il n’y en avait pas. Elle se recroquevilla sur elle-même, la réalité frappant son cœur comme une masse. Bobelio, avec son innocence d’enfant, avait un regard inquiet, mais ne comprenait toujours pas l’ampleur de ce qui venait de se produire.
Bobessa se laissa tomber au sol, les mains plaquées contre ses yeux, un cri de douleur étouffé dans sa gorge. Elle était trop jeune pour comprendre la perte d’un père, mais assez vieille pour ressentir la fracture profonde qui venait d’engloutir sa famille. Elle n’était plus l’enfant insouciante d’hier ; en un instant, tout avait changé.
Lilinessa, à genoux auprès d’elle, l’enlaça, murmurant des mots apaisants, mais aucun d’eux ne pouvait réparer ce qui était cassé. Bobelio, les yeux grands ouverts, commença à pleurer aussi, sans comprendre totalement pourquoi, mais sentant que quelque chose d’indescriptible et de terrible venait d’arriver.
Ce matin-là, une ombre s’était posée sur leur vie, et ni Bobessa ni Bobelio ne pouvaient encore imaginer à quel point ce vide allait marquer leurs vies à jamais.