Quelques semaines après la perte dévastatrice de leur père, la maison des Berthodan était silencieuse, imprégnée de l’absence de Bob. Lilinessa, toujours brisée par la douleur, avait tenté de trouver des éclats de normalité dans la vie de ses enfants, mais les cicatrices invisibles sur leur cœur ne se fermaient pas. Bobessa, bien que plus âgée et plus consciente de ce qu'elle avait perdu, se renfermait souvent dans ses pensées, ses yeux perdus dans les souvenirs de son père. Mais, au fond de la maison, dans l’ombre du deuil, un autre cœur battait avec une intensité nouvelle.
Bobelio, bien que plus jeune, ressentait la perte avec une acuité qui déstabilisait même sa mère. À six ans, il ne comprenait pas entièrement la brutalité du monde, mais il savait que quelque chose de profond et de cruel avait été infligé à sa famille. Il voyait la souffrance dans les yeux de Lilinessa, le poids qui pesait sur ses épaules, et le chagrin qui alourdissait chaque pas de Bobessa. Mais ce qui le perturbait le plus, c’était cette douleur qui, chaque jour, s’étendait dans leur foyer, une douleur causée par un mal qu'il ne pouvait saisir.
Un jour, alors qu’il se trouvait dans la petite cour derrière la maison, observant les oiseaux s’envoler et les nuages qui se déplaçaient paresseusement dans le ciel, une décision se forma dans son esprit, une décision qui, à cet instant précis, scella son destin. Bobelio serra les poings. Il ne pouvait pas accepter l’idée que la souffrance de sa mère et de sa sœur soit une fatalité. Il ne pouvait pas rester là, dans l’ombre, à regarder la douleur ronger la famille qu’il aimait.
Il se souvint de son père, de la force et du courage avec lesquels il avait toujours agi. Bob n’avait jamais reculé devant un défi, et il l’avait protégé, lui et sa sœur, avec tout l’amour et la bravoure qu’il portait en lui. Bobelio se promit qu'il ferait de même, qu’il deviendrait un homme capable de défendre ceux qu’il aimait. Il savait que cela demanderait bien plus que de simples souhaits d’enfant, que cela nécessiterait des sacrifices, des efforts, un travail sans relâche.
Chaque jour, après que la lumière s'estompe sur la campagne, Bobelio s'éclipsait dans la cour, loin des regards de sa mère et de sa sœur. Là, dans la fraîcheur du matin ou de la soirée, il s'entraînait, prenant les quelques outils que Bob avait laissés derrière lui. Il n’avait pas encore l’épée de son père, mais il utilisait une vieille branche d’arbre, lourde et encombrante. Il s'exerçait à manier son "arme" avec détermination, travaillant son équilibre, ses mouvements, sa force.
Au départ, ses gestes étaient maladroits, et la branche semblait trop lourde pour ses bras encore jeunes. Mais il persévérait, le visage déterminé. La douleur des muscles endoloris n’était rien comparée à celle qui avait ravagé son cœur. Il n’avait pas le droit d’échouer, il n’avait pas le droit de montrer de faiblesse. Chaque coup porté dans l'air, chaque faux mouvement corrigé, était une promesse silencieuse qu’il ferait tout pour être digne de son père, pour venger sa famille, et protéger ce qui restait de précieux.
Lentement, ses entraînements devinrent plus intenses. Il ne se contentait plus de simples exercices, il imitait les mouvements qu’il avait vus lors des visites des gardes d’Équirna, répétant les techniques que son père lui avait montrées, les gestes simples mais puissants. Il s’entraînait le matin avant même que le soleil ne se lève, et parfois tard le soir, jusqu’à ce que ses bras ne puissent plus supporter le poids de la branche.
Il savait que pour devenir un véritable garde, un véritable défenseur de ceux qu’il aimait, il devrait plus que simplement se battre. Il devait incarner les valeurs de courage et de justice qui avaient marqué son père. Il se promit de rejoindre Équirna, de devenir un garde, de suivre l'exemple de son père et de défendre les innocents, les opprimés, contre ce mal qu’il haïssait désormais tant.
Un jour, alors qu’il s’entraînait plus intensément que jamais, les mots qu’il s'était répétés dans son cœur résonnèrent plus fort que jamais : "Je serai plus fort, je serai plus digne, je protégerai ceux que j’aime. Je vengerai papa."
Bobelio n’était plus un simple enfant pleurant la perte de son père. Il était un jeune garçon forgé dans la douleur et la détermination, prêt à tout pour honorer le sacrifice de son père, pour rendre justice, et surtout, pour ne jamais laisser tomber sa mère et sa sœur.
Ce n’était plus un rêve d’enfant. C’était un engagement profond. Il savait que le chemin serait difficile, que l’ombre du mal serait toujours présente. Mais il était prêt à affronter tout cela, avec la même force et la même détermination que son père, Bobovanovitch Odrias Berthodan, le courageux garde tombé au champ d’honneur.