Route vers le Fort de l'Aigle
La route qui mène vers le fort traverse des collines et longe la lisière de la forêt de Bois profond. Le chemin, assez large pour des charrettes, est cependant très sinueux. Lorsqu'un cri retentit depuis la forêt, nous nous approchons pour voir de quoi il s'agit et nous voyons donc des gobelins assez trapus fuir de manière assez paniquée en se dispersant. Ils ne représentent pas de menace pour nous et nous les laissons donc passer en leur laissant le bénéfice du doute. Une troupe d'une dizaine d'humains armés arrive en suite et nous indique qu'ils pourchassaient justement ces gobelins car ils leur ont volé des vivres et provisions. Ils abandonnent la chasse quand je leur demande de nous accompagner plutôt vers leur chef. A priori, ils savent déjà où se terrent ces gobelins et nous affirment qu'ils sauront retrouver ce qui leur a été volé et les exterminer.
Il s'agit d'une troupe assez imposante pour chasser une dizaine de gobelins plutôt miséreux et ils ne doivent pas être habitués à chasser car ils ont une seule personne à cheval et aucun chien ou animal capable d'en jouer le rôle.
En effet, ils comptent huit hommes dont Joey qui brille de loin surtout grâce à ses dents dorées, Fall, Yarl et deux femmes, Caigne et Mélia. Cette dernière étant sur un cheval. Les hommes et les femmes du groupe échangent très peu entre eux, chaque genre étant très séparés de l'autre. Nous les avons interrompus dans leur "chasse" et ils nous indiquent qu'ils reviendront plus tard pour "s'occuper" des gobelins car ils connaissent l'emplacement de leur camp.
L'objectif annoncé des Faucheurs est de "nettoyer les mauvaises herbes", désignant ainsi les fées sombres, monstres et autres aberrations, en les réunissant tous derrière la même bannière du "Mal". La lie de la société est donc aussi capable de donner des jugements de valeur.
Cependant, comme nous ne sommes pas encore en présence de leurs chefs, nous optons pour une approche diplomatique afin d'obtenir autant d'informations que possible. Ainsi, nous apprenons que malgré qu'ils prétendent être des dévots du Souverain de la religion impériale, ils n'ont aucun prêtre parmi eux. D'après Caigne, ils n'en ont pas besoin car après tout, cela leur suffit de savoir que leurs chefs eux sont en contact avec le Souverain. De ce que j'ai compris, cela leur permettrait de mieux contrôler les plus dangereux des criminels en leur donnant une mission d'origine divine.
Elle nous révèle également qu'ils se considèrent comme des patrouilleurs alors que Flavia a bien confirmé qu'il n'y a plus de patrouilleurs officiels sur l'île depuis des lustres.
Néanmoins, alors que je discute tranquillement avec Caigne, Fall passe derrière moi et il en fallu de peu pour que sa main baladeuse se retrouve sans vie avec le reste de son cadavre. Il doit la vie à Yarl qui a stoppé cet effronté d'une dague sous la carotide et n'a pas été maigre en excuses. Suite à cela les discussions tournent court et nous nous approchons du village en contrebas du Fort en relatif silence (car Lucien continue d'essayer de discuter avec Mélia).
Arrivée au village
Devant nous trône sur un plateau le Fort de l'Aigle, avec à l'extérieur de ses murailles et, en contrebas, un village qui irait mieux s'il n'était pas constamment sous la pluie. Car en effet, il n'a jamais cessé de pleuvoir depuis que les trois chefs des Faucheurs ont investi le Fort.
Il fait très frais sur place, une dizaine de degrés en moins par rapport à la lisière de la forêt où nous étions avant. Je suis contente d'avoir pu procurer un chaperon de la même couleur que ma cape à Coline Claudius qui amène un peu de gaieté et de joie de vivre dans ce lieu misérable qui est probablement rongé par la maladie et l'hypothermie. Bien heureusement, il semblent qu'ils aient un guérisseur sur place, un druide du nom de Rufus Alénas qui vit dans une yourte au milieu de la boue du village et qui aurait beaucoup de dons. On sait tous que la pluie nettoie les façades et fertilise le sol mais ce qu'il y a sous mes bottes ici est si détrempé que cela me rappelle davantage le marais de Noirsel que des terres fertiles.
De nombreuses habitations ont été complètement abandonnées et Joey nous fait office de guide dans ce village. Comme on nous a informé que nous serons reçus par les dirigeants du Fort le lendemain matin, nous profitons de la fin de l'après-midi pour récolter des informations sur le lieu.
Les habitants locaux semblent pour la plupart vivre plutôt honnêtement. De manière simple, mais honnête. Il semblerait vraiment que leurs chefs aient réussi à leur faire respecter des règles malgré leur statut de hors-la-loi. Ils voient pour la plupart l'endroit comme un havre de paix. Comme le dira très justement Joey : "ici on est libres et protégés... enfin, surtout protégés, en fait".
N'étant pas complètement certaine de vouloir laisser mon cheval seul, je charge Martialis de garder Equestris. Près de cette écurie qui au vu de la boue aurait très bien pu être une porcherie, se trouve un pauvre homme sans jambe qui propose de dessiner. Flavia a la bonne idée de me proposer que je lui demande un portrait de Coline Claudius et rapidement, en se cachant de la pluie, il parvient à réaliser une esquisse plutôt juste d'elle. Devant ma générosité, cette personne qui se nomme Carl nous propose davantage de services et Flavia décide donc de lui donner une nouvelle chance à la vie en travaillant plutôt pour elle. Il ne semble pas vraiment réaliser la générosité de son geste mais il accepte tout de même. Un détail intéressant aussi, il nous affirme qu'il avait été sauvé par Yael Dunart, l'un des chefs des Faucheurs.
On nous propose le gîte et le couvert dans une auberge nommée l'Eaube ce qui prouve deux choses : que certains d'entre eux savent lire et écrire et qu'ils ont un sens de l'humour assez... spécifique. Une manière pour eux de relativiser ce qui leur tombe dessus sans doute.
Joey nous présente l'endroit et s'assure que nous soyons bien accueillis. Il nous parle également de l'étage de l'auberge où il y est servi ce qui s'appelle "le thé des ancêtres". C'est un thé qui semble faire s'endormir et permettre de voir et de parler avec des ancêtres décédés. Flavia en consomme et a apparemment bien dormi et s'est remémoré des souvenirs, sûrement à la suggestion du vendeur alors que Lucien "Shura" Rubicante a pu échanger avec son père qu'il n'a quasiment pas connu.
Archibald Ursgatte échange avec un certain Espelius le même soir. C'est un fabricant de clous et il s'arrange avec lui pour commercialiser des chaussures cloutées permettant de mieux marcher sur du terrain boueux comme ici. Ce dernier promet de reverser 10% de ses bénéfices à la patrouille. Ça ne semble pas être un très bon vendeur mais il confectionne un premier prototype qui est plutôt bien.
Rendez-vous au Fort
Le lendemain matin, on nous accompagne vers le Fort mais d'abord on nous demande d'ôter nos armes. Archibald tente d'argumenter en disant qu'il a besoin de garder avec lui son couteau à saucisson mais ça ne prend pas. Je n'en démords pas de mon côté et je parviens à conserver mon glaive en tant qu'arme d'apparat, comme si j'allais rentrer sans moyen de me protéger dans un repaire de bandits et malfrats.
Martialis garde notre équipement et mon cheval.
En montant la côte vers le fort, nous remarquons un lac d'altitude à proximité à l'extérieur du fort, près duquel se trouve notamment une arche de pierre rappelant sans aucun doute les anciens portails.
Nous entrons sur une grande cour boueuse et répugnante avec un potager sur la droite où j'imagine que les plantes doivent pourrir du trop d'eau et du manque de soleil. Nous passons aussi devant un bâtiment qui semble faire office de garnison ou d'étable, c'est assez dur à dire.
En montant par l'un des escaliers sur la gauche, nous voyons à travers les meurtrières que malgré la pluie il y a une assez belle vue sur la forêt de Bois profond. A l'intérieur, tous les murs sont nus, il n'y a pas de bannière nulle part, pas de représentation de dieu, pas de statue, juste de l'eau qui s'infiltre partout et de la moisissure qui s'installe durablement.
Yarl et Fall gardent l'entrée de la grande salle avec des sortes d'hallebardes en main, nous nous indignons car on nous avait dit qu'on n'aurait plus à revoir Fall.
A l'intérieur, une table assortie de chaises dépareillées avec les trois principaux dirigeants du lieu qui y sont assis :
- Yael Dunart, un homme assez dur qui n'a rien à envier aux récits de capitaines pirates. C'est lui qui a le plus de support dans le Fort, tous les anciens criminels semblent le suivre ;
- Claire Favarone, une relativement plus jeune femme qui préfère rester silencieuse plutôt que de dire des bêtises. Elle est plus ouverte d'esprit, et dirige un groupe bien moins nombreux que les suivants de Yael, qui se font appeler les "Clarisses" ;
- Aarn Vulfor, celui qui semble être le vrai chef. A son apparence il pourrait avoir des origines éressiennes.
Après les présentations habituelles, Aarn indique que sa priorité est de protéger le village en contrebas du fort. Il appuie aussi qu'il est très fier de la nouvelle naissance qui a eu lieu la veille, cela fait "très longtemps" qu'il n'y en a pas eu. Force est de constater que le lieu, avec sa pluie incessante et sa population parfois douteuse, attire très peu les nouveaux arrivants. Surtout les familles et les gens qui veulent une vie stable. Il n'utilise d'ailleurs pas le mot "faucheur" pour présenter son groupe et se présente comme s'ils étaient des patrouilleurs.
De mon côté, j'explique les raisons de notre venue : nous introduire à eux et voir si nos intérêts peuvent s'aligner. Cependant avant d'aller plus loin dans la discussion, j'insiste sur le fait que nous comptons parmi les véritables patrouilleurs des fées. Yael réagit comme un loup affamé à qui on tend un morceau de viande fraîche mais Aarn tape sur la table et le force à se taire en imposant le fait que c'est lui qui décide. D'après Flavia et Lucien qui observaient la scène, Claire semblait étonnamment plutôt apprécier le fait que nous intégrions des fées.
Nous continuons donc la discussion, privilégiant uniquement les échanges avec Aarn. Nous apprenons ainsi qu'il considère celui qui procure le thé des ancêtres comme un charlatan et il recommande à ceux qui l'ont utilisé de ne pas en reprendre.
Il nous dit aussi que nous avons le droit de passage en tant que patrouilleurs, y compris pour les fées, même s'il reconnaît que pour ces dernières il peut y avoir des heurts car il ne maîtrise pas totalement ses hommes. Nous avons également le droit d'occuper n'importe quelle bâtisse abandonnée dans le village.
Il nous dit qu'avant de nous aider davantage, ils ont besoin que nous fassions un geste en retour en leur procurant du bois sec, des hommes ou de la nourriture. Je lui réponds que ce serait plutôt à eux d'implorer notre aide que l'inverse car ils sont isolés, ont peu d'alliés, la population ne leur fait pas confiance... et au mieux nous aurons des ennemis en commun comme le souligne Lucien en parlant du monstre de Port-Salin. J'en profite pour lui indiquer des fragments d'information comme le fait qu'il y a justement quelque chose dans l'eau près de Port Salin qui représente un grave danger, des fées (une orque du nom d'Urza aux-mille-rejetons) qui pourraient monter une armée imposante à l'Ouest, des informations sur le Fort lui-même, je lui parle aussi de nos bonnes relations avec le Bastion de Forgemer, avec la bourgmestre de Noir-bois, avec le bourgmestre de La Traverse, avec le Promontoire de Hrölf ainsi qu'avec l'Alliance d'Emeraude entre autres afin qu'ils puissent constater par eux-mêmes que nous sommes en position de force sur eux et non pas l'inverse.
Nous apprenons aussi que cela fait treize ans qu'ils se sont établis ici et que c'est au même moment que la malédiction de cette pluie incessante a commencé. J'oriente la discussion en disant que nous avons de très nombreuses informations dont le fait que cette forteresse appartenait autrefois à un ancêtre de Flavia parmi nous et que nous connaissons un lieu dans le Fort que nous aimerions explorer afin d'en retirer les trésors mais aussi, qui-sait, peut-être mettre fin à cette malédiction.
Il coupe court à ce que je dis en nous disant qu'il sait, en fait, comment arrêter la malédiction. Dans notre stupeur, nous essayons de l'interroger mais il ne dit rien et nous propose de l'accompagner près du lac car il a des choses à faire. Intrigués, nous le suivons et récupérons au passage le matériel dont il semble avoir besoin : de quoi construire des murs semble-t-il.
Une fois sur place nous découvrons que près du lac, il y a en fait une gigantesque construction, comme un palais étrange. Aarn Vulfor nous explique qu'une voix dans sa tête lui a dit que pour se racheter d'avoir tué un monstre au moment d'investir le fort, il devait construire un palais en honneur du décédé. A noter d'ailleurs qu'il utilise le mot "monstre" pour décrire non seulement les véritables monstres et les créatures féériques. Seul lui a le droit de travailler dessus et s'il s'éloigne du fort ou du lac, la pluie devient torrentielle et c'est un véritable déluge qui tombe. Il prend vite congé et se met au travail. Il semble clairement laisser la gestion des affaires courantes à Yael et Claire, et passer le reste de son temps à travailler sur cette construction.
Alors qu'il est parti et que nous commençons à discuter entre nous, nous remarquons du mouvement dans le lac : une vague nous arrive dessus, puis deux créatures faites d'eau sortent progressivement de l'étendue d'eau et avancent dans notre direction. Alors que je suis stupéfaite, Lucien se met tout de suite à genoux alors que Flavia commence à s'approcher dangereusement de l'eau en les saluant. Alors que je demande à ces créatures d'annoncer qui elles sont d'un "Qui va là ?", Archibald prend l'initiative de jeter une bombe sur ces deux individus afin qu'ils ne s'approchent pas davantage. Lucien tente de l'en empêcher pour privilégier une communication non-violente, sans succès. La bombe explose et ne semble pas les tuer et il en résulte qu'elles reviennent se réfugier dans l'eau du lac.
Lucien et Flavia s'indignent du comportement d'Archibald que je défends en disant que j'ai eu personnellement une impression de déjà-vu avec la créature de Port-Salin qui donne des instructions dans la tête des gens et qui se réfugie dans un grand volume d'eau. Flavia indique qu'il s'agissait en fait de Seigneurs des pluies, des créatures féériques rares supposant que ces deux individus étaient sans doute liés à la créature qu'avait abattu Aarn.
Ce dernier surgit donc de derrière son mur en construction, remarque que les regards sont essentiellement tournés vers Archibald et le frappe de sa truelle. J'hésite à intervenir mais il semble ne pas agresser davantage notre compagnon et s'arrêter là. Il nous confirme qu'il avait apparemment tué l'enfant de ces deux seigneurs des pluies. Il nous demande de partir, ce que nous faisons.
J'en profite pour demander à la plus raisonnable des trois, au moins en apparence, Claire de venir nous voir à l'occasion de la fête pour mon anniversaire. Elle accepte, a priori elle semblait déjà devoir une faveur à Lucien.
Alors que nous repartons après quelques heures sur la route, le soleil nous bénit de son retour. Et nous remarquons que le ciel s'obscurcit temporairement alors qu'un oiseau, non, un dragon ? Non. Un aigle géant nous survole venant du Sud et allant plutôt vers le Nord.