Élevée dans le maintien strict de l'éducation noble, Armance eut une enfance privilégiée où de nombreux arts comme sciences lui furent enseignés et où le besoin ne manquait point. Mise en avant par une mère avide d'ambition sociale, Armance sut rapidement son rôle et assimila, sous la supervision consciencieuse de sa mère, les étiquettes de la vie mondaine. Il faut dire, que pour arranger les choses, Armance avait une beauté fragile qui plaisait, le don de l'harmonie lui était déjà offert, et nul maquillage n'avait besoin de surenchérir son apparence. L'intelligence, bien que prudente, lui était également accordée. Mais déjà, très jeune, la santé, elle, rendait la vie d'Armance plus compliquée.
Aucune richesse ne permettait de se soustraire à cette entrave. Et de nombreux prétendants se désistèrent sur la demande de leur parent. La rumeur était déjà connue de tous : Armance était trop faible pour enfanter selon le médecin. L'intérêt fallacieux de la mère pour sa fille durant l'enfance de celle-ci avait déjà plongé Armance dans des retranchements de l'imaginaire pour mieux vivre et se réinventer ; s'évader d'une vie qui ne lui plaisait pas. Seule, emplie d'histoires et rêveuse, les voix entendues par Amance, et leur rapport, n'alertèrent aucunement sa mère ni son père.
C'est lors de l'arrivée des tables spirites, alors qu'Armance était devenue, malgré tout, une fleur épanouie dans la vie mondaine et littéraire, que tout éclata. Le don. Son don. Eclipsa le reste : les charlatans, son passé triste, ses ambitions et rêves inexplorés, sa famille vicieuse, sa vie monotone et sa santé qui l'inquiétait. Armance brillait dans Paris. Son don, par l'intermédiaire des tables s'avérait réel et puissant. La célébrité la toucha de son doigt et la rendit plus belle, plus intelligente, plus exquise encore qu'elle ne l'était. Un véritable rêve. Seule la fragilité s'acharnait à l'égratigner.
Un soir. Une invitée différente vint au salon pour observer le don et la fille en action.
Et pourtant... Après cette soirée là, et le baiser donné. Geneviève était étonnée de voir, les soirs qui suivirent sa transformation, que la faiblesse qui aurait dû délaisser cette nouvelle-née une fois la mort gagnée, avait persisté. Cette fragilité ne résidait pas seulement dans ses tissus, mais bien plus profondément, son coeur était toujours faible, même figé. Quelque chose n'allait pas. Mais aussi, une folie avait pris demeure en Armance. Et très vite, bien qu'un temps, le regain lui ait permis de voyager, tout se dégrada, et l'esprit, et le corps froid. La sororité amena Armance à la torpeur, lui garantissant que ce sommeil n'était qu'une courte péroraison.
Puis. Armance s'éveilla, et le monde connu d'Armance n'était déjà plus le même. Porteuse du passé de la Belle-Epoque qui l'entoure d'une aura d'ancien, de mysticisme et de poussière, d'une vitalité regagnée bien que d'une constitution faible, la fille brisée, l'enfant négligée, la mondaine splendide à l'esprit éclaté était prête à s'amuser dans ce monde nouveau, si riche, bruyant et fascinant.
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