Il n’y a qu’en Montaigne que la distinction entre nobles et roturiers
est plus appuyée qu’en Vodacce. Pour autant, la vie de paysan n’est pas aussi
rude en Vodacce qu’elle l’est dans d’autres pays. En fait, si on la compare à
celle d’un homologue montaginoiss ou eisenör, la vie d’un paysan vodacci pourra
même paraître des plus confortable.
Classe paysanne
La journée commence au
lever du soleil et se termine au coucher. Le premier devoir d’un paysan vodacci
est de cultiver la terre, ce à quoi il se consacre jusqu’à midi. Le déjeuner
est un rituel complexe qui peut prendre jusqu’à une heure et demie. S’ensuit
une longue sieste roborative qui vise à passer les heures les plus chaudes de
la journée et se termine vers quatre heures, après quoi le travail reprend
jusqu’au coucher du soleil. Ensuite, une fois les corvées quotidiennes
exécutées, le dîner est servi, à la suite duquel chacun va se coucher.
C’est là
l’essentiel du quotidien d’un paysan. Celui-ci est bien entendu agrémenté de
festivals saisonniers et de jours de fête, mais au bout du compte la vie du
paysan vodacci se résume principalement à œuvrer à satisfaire les appétits de
la classe noble et à dormir.
Classe moyenne
La classe moyenne vodacci regroupe
principalement les artisans et les marchands. Les artisans vodaccis comptent
parmi les plus talentueux de toute la Théah. Même les objets les plus simples
sont souvent décorés au point d’être de véritables œuvres d’art. Une bonne part
de l’économie est basée sur le commerce de ces objets de luxe raffinés et
décoratifs.
Le négoce est autant un passe-temps et une source de fierté en
Vodacce que peuvent l’être les compétitions sportives dans d’autres Nations.
D’acheteur à vendeur, les négociations peuvent durer des heures entières. Après
tout, un homme incapable de faire une bonne affaire est un homme bien indigne.
Et une femme qui ne peut faire correctement le marché pour son foyer ne mérite que
mépris.
La structure sociale de la Vodacce se voit clairement dans
l’architecture de ses cités occidentales. Les classes les plus humbles vivent
au plus près de l’eau et, par défaut, dans la fange des rues. Plus on a
d’argent, plus on monte (littéralement) en société. La classe moyenne peut se
permettre des logements plus en hauteur, souvent bâtis directement sur le toit
de leurs voisins moins fortunés. La noblesse et les plus nantis vivent au sommet,
dans des bâtiments étroits conçus grâce à un mélange d’architecture géniale,
d’équilibre soigneusement calculé et d’un peu de magie. On dit qu’une fête dans
la demeure d’un Prince peut réveiller les rats qui vivent sous le sol du plus
miséreux de ses paysans. Pareillement, on dit aussi qu’on reconnaît une dame à
ce que ses pieds n’ont jamais touché terre.
Noblesse
La classe noble vodacci
trouve ses racines parmi les familles de l’Ancienne République qui siégeaient au
Sénat. Les Princes marchands, ou « Signori » (« Signore » au singulier), ne
sont pas aussi extravagants que les nobles montaginois ou aussi dignes que les
nobles avaloniens. Les poètes vodaccis disent qu’un Vodacci a deux cœurs : l’un
bat pour son devoir, l’autre pour l’amour.
Les sept Princes de la Vodacce
prennent leur titre très au sérieux. La fortune et la fierté sont les deux
grands piliers de la culture vodacci, la première servant à satisfaire la
seconde. Les Princes se rassemblent rarement, excepté pour discuter de
questions d’ordre politique ou lors de très grandes occasions, telles que les
mariages d’État et les funérailles.
Lorsqu’ils débattent politique, ils le font
dans un établissement neutre. Cela évite de se disputer inutilement sur qui
recevra ses pairs. Cela assure également qu’aucun Prince n’aura un avantage
tactique. Depuis la chute de l’Ancienne République, où empoisonnements et
trahisons faisaient office de moyens raisonnables et légitimes de négocier
une succession, les Princes ne se sont jamais fait confiance, et à juste titre.
Du fait de cette configuration, les Princes n’ont guère d’occasions d’afficher
leur fortune devant leurs pairs. Ils ont donc conçu une méthode plus indirecte.
Chacun à leur tour, les Princes vodaccis organisent des festins somptueux pour
le reste de la noblesse. Ces petits nobles voyagent tout le long de l’année,
faisant part des excès de leur dernier hôte, dans l’idée que le prochain
s’efforcera de surpasser son cousin en décadence.
On dit que le vin coule à
travers les maisons nobles vodaccis comme l’eau à travers les multiples
rivières du pays, et il en va de même pour la nourriture, l’or, les joyaux et
les femmes. Certains sceptiques laissent aussi entendre que les Princes
entretiennent de telles habitudes au détriment de leur assise, et que les rues de
la Vodacce voient plus de richesses circuler que ses routes
commerciales.
Courtisanes
En sus des vins raffinés et de la grande cuisine, il
est un autre luxe que la péninsule méridionale apprécie. À travers la Théah,
les nobles aspirent à être invités aux festins vodaccis, alléchés non pas par
leurs délices culinaires, mais par ceux d’ordre charnel.
En Vodacce, la
séduction est une vertu. Il est attendu des hommes qu’ils courtisent la gent
féminine, quand bien même leur épouse leur sera inévitablement assignée dans le
cadre d’un mariage politique arrangé. À l’inverse, les femmes de bonne famille
apprennent à être réservées et timides. La profession de courtisane vient
spécifiquement combler cet écart. Un homme peut parler avec une courtisane de
choses qu’il ne pourrait évoquer avec son épouse. Il peut l’emmener dans des
endroits où les femmes « correctes » ne sont pas autorisées. Il peut la louer
comme une déesse de l’amour, une image idéale. Et lorsqu’il a fini, il peut
revenir à ses affaires sans plus y repenser.
Les courtisanes vodaccis sont
célèbres à travers toute la Théah. Bien qu’il existe des écoles qui enseignent
les bases de l’étiquette, de la musique et d’autres arts, les meilleures
courtisanes sont formées par des tuteurs privés. Tout comme la forge,
l’œnologie et d’autres professions, celle de courtisane se transmet souvent de mère
en fille. Il existe même une poignée de « familles courtisanes » à travers la
Vodacce.
Les courtisanes ne sont pas astreintes aux règles qui condamnent la
plupart des femmes vodaccis à l’illettrisme et à une vie cloisonnée par des
rideaux de velours. Elles ont accès aux bibliothèques, aux universités, aux places
publiques et à tout autre lieu où leur clientèle masculine pourrait choisir de
passer son temps. Elles sont formées aux arts de la dramaturgie, de la poésie, de
la chanson, de la danse et, dans certains cas, de la politique.
Ce mode de vie
présente toutefois des désavantages. Les femmes nobles vodaccis ont peut-être
des perspectives et une liberté limitées, mais elles sont indubitablement protégées
; leur sécurité est garantie. Une courtisane doit se faire une place à la force
de son intelligence et de ses compétences. Une femme avisée s’assurera
d’acquérir la faveur de nobles qui seront en position de la défendre dans
l’éventualité où elle se retrouverait en difficulté. En Vodacce, société et
politique sont étroitement liées.
Les courtisanes vodaccis se reconnaissent
aisément. Elles arpentent les rues telles des oiseaux exotiques au plumage
resplendissant, parées de couleurs vives, de joyaux étincelants et de robes dont
le style mettrait une femme « correcte » en disgrâce. Elles sont très libres en
ce qui concerne ce qu’elles peuvent porter et faire, mais à l’image de tout un
chacun en Vodacce, il leur faut prendre garde à qui elles pourraient irriter
sous peine de mal finir.
La touche finale de leur costume est le masque décoratif
ornementé qu’elles portent en public. Cet accessoire clinquant ne couvre qu’une
partie du visage et ressemble au faciès d’un animal ou d’un oiseau, ou bien
représente quelque chose d’entièrement abstrait. La fonction apparente de ces
masques est d’ajouter un élément excitant et festif à l’image de la courtisane.
En réalité, ils servent un but bien plus pragmatique : dissimuler l’identité de
la courtisane aux épouses de ses clients.
Femmes nobles
Si les courtisanes
vodaccis comptent parmi les femmes les plus éduquées de la Théah, les femmes des
nobles sont les moins éduquées. Celles qui sont nées avec le don de la Sorte n’apprennent
jamais à lire. La lecture et l’écriture sont des activités de femme vulgaire,
qui ne conviennent certainement pas à des dames de haut rang et de bonne
famille. Bien des érudits théans (en particulier ceux de l’Église) ont
observé qu’on peut voir dans cette étrange dichotomie un parfait exemple du prix
que les mortels doivent payer pour la sorcellerie. Après tout, l’illumination
vient de la connaissance, et s’il n’est pas autorisé à une âme d’acquérir des
connaissances, comment peut-elle trouver la grâce du Créateur ?
La « Sorte »
est la capacité de voir et de manipuler les fils du destin qui relient
l’ensemble de l’humanité. Seules les femmes vodaccis la possèdent, au grand dam
des hommes vodaccis. Les hommes qui, jadis, négocièrent ce pouvoir en conçurent
une telle rage qu’ils établirent des traditions qui subsistent à ce jour.
Les
mesures qu’ils instaurèrent avaient pour but de garantir que les femmes ne
pourraient pas leur soutirer le contrôle qu’ils avaient sur le sort de la
Vodacce. Lorsqu’une enfant s’avère posséder le don, son père s’assure qu’elle
n’apprendra jamais à lire ou à écrire et n’aura accès à toute autre forme
d’éducation. Son devoir envers son père (et, par la suite, envers son mari) est
de le servir, de même que sa famille et la Vodacce, pas de satisfaire son
propre orgueil. Les femmes vodaccis portent de sobres robes noires et leur
visage est masqué par un voile noir épais, de sorte que le regard d’une
sorcière ne puisse pas croiser celui d’un autre homme que son mari.
Hommes
nobles
Peu importe leur rang, les hommes vodaccis sont connus pour leur fierté.
La plupart des fils de bonne famille ont étudié dans une école d’escrime parmi
les plus réputées de la Théah et ils sont toujours à l’affût d’une occasion de
démontrer leur adresse. La moindre offense est prétexte à un duel. Qui plus
est, l’enseignement des écoles vodaccis va au-delà des techniques de combat conventionnelles.
Nombre d’entre elles ont incorporé à leur style des éléments pratiques du
combat de rue, réservant à plus d’un étranger une douloureuse surprise.